L’élégie de Naniwa/Naniwa Ereji (1936) également connu sous le titre de L’élégie de Osaka/Osaka Ereji est une œuvre mélodramatique en noir et blanc du maître Kenji Mizogushi. Ici, le cinéaste met en scène une histoire d’un réalisme fort, proche d’un naturalisme cinématographique dans un Japon qui s’occidentalise.
L’élégie de Naniwa expose l’histoire d’Ayako, une jeune standardiste téléphonique qui accepte les avances de son patron pour rembourser les dettes de sa famille. Cette relation extra-conjugale est découverte par la femme trompée. Abandonnée, Ayako sombre dans la prostitution et le chantage.
Avec L’élégie de Naniwa, Kenji Mizogushi réalise une œuvre des premières fois. C’est l’un de ses premiers films parlant. L’un des premiers grands films réalistes du cinéma japonais mais aussi sa première collaboration avec le scénariste Yoshikata Yoda avec qui il débutera une coopération fructueuse. L’œuvre se veut une dénonciation d’une société où règne sexe et argent, hypocrisie et mensonge ; du microcosme professionnel à l’harcèlement qui en découle, d’une prostitution comme moyen de survie, et d’un microcosme familial tendu.
Cette dénonciation a un visage, le portrait d’une femme : Isuzu Yamada. Kenji Mizogushi filme son actrice comme une actrice caméléon qui tout au long du film change son jeu, sa voix, ses costumes au gré des situations ; tantôt femme-travailleuse, femme-traditionnelle lorsque ce n’est pas femme-moderne. Ayako, personnage aux multi-facettes à la fois victime, recourant à la prostitution pour aider à sa famille, et à la fois manipulatrice sous des airs désinvolte.
L’élégie de Naniwa, fortement inspiré du cinéma américain et d’un cinéaste comme Ernest Lubitsch énonce déjà ce qui fera le cinéma de Mizogushi. Pourtant, le montage altéré, les ellipses déroutantes, les plans rapprochés n’ont rien à voir avec ce que l’on connaîtra du cinéaste et le cinéma qu’il fera sien. Cette œuvre nous montre un cinéaste sous influence qu’il agrémente d’une qualité personnelle indéniable.
La force de Kenji Mizogushi dans L’élégie de Naniwa c’est sa réalisation qui constamment place le réalisme au centre. Des beaux plans empreints d’une force certaine, le remplissage du cadre nous confronte à une peinture sur pellicule, ses mouvements de caméra ont une relation privilégiée avec les personnages et les situations. On dénote une véritable intelligence dans la mise en scène d’une beauté surprenante et d’un noir et blanc qui l’est tout autant.
Mizogushi parvient à nous montrer avec maestria les tensions visibles comme invisibles : des plans fixes sur une porte, une ellipse ou encore une caméra qui s’éloigne de l’action, aucunement voyeuriste mais témoin.
L’élégie de Naniwa est une œuvre formidable où la violence de la société y est dépeignée avec intelligence. L’œuvre dépeint également les relations au sein de la famille face à l’adversité, l’exclusion comme violence familiale que connaîtra l’héroïne. Cette dernière s’en ira loin de tout, abandonnant sa vie pour enfin assumer ce qu’elle est : une femme libre de tout carcan.
I.D.
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