Grand prix du Cinemanila International Film Festival 2006, Squatterpunk / Iskwaterpangk (2007) du cinéaste philippin Khavn de la Kruz prend d’assaut les bidonvilles avec sa caméra et filme dans une frénésie singulière ces espaces désolés. Durant presque quatre vingt minutes, la caméra de Khavn traverse de long en large les habitations vétustes des bas-fonds qu’on imagine à Manille, la capitale, le tout filmé en noir et blanc. La particularité de cette oeuvre c’est qu’elle est muette et s’accompagne d’une musique punk qui laisse parfois entendre le bruit des vies qui se montrent devant nous. Elle affiche aussi de temps à autre des intertitres qui s’avèrent « énigmatiques » (pour le pauvre lecteur de langue anglaise que je suis).
Squatterpunk n’est pas facile d’accès. Pas tant pour le sujet montré ici par Khavn de la Kruz, qui est celui de la vie précaire d’une jeunesse perdue dans les bas-fonds dont la crasse est amplifié par le biais du noir et blanc utilisé. Non. Mais plus sur sa mise en forme qu’on pourrait qualifier de long clip musical. Du coup, on se rapprocherait plus facilement d’un qualificatif d’œuvre « expérimentale » rythmée par une musique punk dont les morceaux s'enchainent. Si la pauvreté règne en maître dans ces bidonvilles, il est frappant de voir que cette jeunesse trouve encore la force de s’amuser, de rire, sourire par la simplicité qui les entoure, n’hésitant pas à aller jusqu’à ce jeter dans les eaux polluées par les déchets ou encore chanter dans un karaoké tombant en ruine. Pourtant, il arrive que cette joie soit ternie par un autre aspect de la réalité, celle des sniffeurs de colle, des images livrées telles quelles à l’état brut.
Squatterpunk interpelle. Premièrement, sur les véritables motivations de Khavn de la Kruz. Ainsi, on s’interroge sur l’usage de ces intertitres. Sont-ils présents comme commentaires des images montrées ? Vers quelle réflexion le réalisateur nous pousse-t-il ? Des questions qui restent en suspend. Si la caméra numérique est la mieux à même de capter l’effervescence d’un environnement, on peut s’interroger sur les moments où Khavn de la Kruz joue véritablement son rôle de réalisateur. Ainsi, on se demande assez souvent quels sont les moments « joués » et mis en scène par le cinéaste (s’il y en a). D’autres questions restent également en suspend à la fin du métrage... C’est peut-être dans ces moments-là qu’un dossier de presse aurait pu être utile, une interview du réalisateur par exemple, pour clarifier ces aspects brumeux. Il n’en reste pas moins que le film au-delà de ces interrogations se montre comme un plaidoyer pour la jeunesse.
Squatterpunk divisera inexorablement. Si la musique punk n’est pas votre tasse de thé c’est peine perdue tant elle est présente et s’avère être une actrice majeure dans cette œuvre. Squatterpunk se vit, hypnotise par ces images. Une œuvre sur une jeunesse désœuvrée que Khavn de la Kruz porte comme une déclaration d’amour révoltée chargée d’une poésie sauvage.
I.D.
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