Pinoy Sunday (2009) est l’exemple même de ce que la mondialisation peut faire de mieux. Il est tourné à Taïwan, dans la ville de Taipei par une cinéaste malaisien, Wi Ding Ho. Ce dernier a co-écrit le scénario avec Ajay Balakrishnan. Ce premier long-métrage traite de travailleurs immigrés philippins (comme ses acteurs principaux), lesquels s’expriment en tagalog, langue utilisée essentiellement à l’écran avec le mandarin et l’anglais. Qui plus est, le film est produit par une société japonaise (NHK) et française (Les Petites Lumières). Wi Ding Ho narre alors le récit d’étrangers dans un pays étranger…
Dado (Bayani Agbayani) et Manuel (Epy Quezon) ont quitté les Philippines avec leur ami Carros (Nor Domingo). Ils débarquent à Taipei pour travailler dans une usine. Ils vivent dans un dortoir. Alors que Carros a des ennuis avec les autorités, Dado, père de famille dévoué a une maîtresse, Anna (Meryll Soriano). Cette dernière est une domestique qui s’occupe d’une personne âgée. Cette relation le met mal à l’aise. Quant à Manuel qui s’imagine être un homme à femme, il se prend une déconvenue avec Celia (Alessandra De Rossi), une jeune femme dont il est tombé amoureux mais dont les sentiments ne sont pas réciproques. Les deux comparses se trouvent alors esseulés. Ils ne tardent pas à mettre la main sur un canapé flambant neuf, abandonné sur un trottoir par un jeune couple. Ils décident de le ramener sur le toit de leur dortoir et ainsi avoir le luxe d’être confortablement installés pour boire des bières fraiches à l’air frais. Très vite, le chemin qui les ramène chez eux va s’avérer plein d’embuches…
Pinoy Sunday est une comédie légère traitée de façon réaliste par son auteur bien que des touches oniriques viennent à s’inviter. Il offre un propos à caractère social en prenant comme personnages principaux des travailleurs immigrés. Il les place dans un contexte qui révèle les difficultés qu’ils ont au quotidien mais sans jamais offrir un tableau sombre de la situation. On y parle de la xénophobie mais aussi de la solitude, de la pauvreté ainsi que de l’aliénation. Ils vivent reclus dans un dortoir avec couvre-feu. Ne pas respecter les règles du dortoir peuvent les mener à perdre leurs emplois et être du même coup expulsés de Taïwan. Une expérience amère à laquelle nos protagonistes assisteront. En plus de capter ces caractéristiques humaines, Wi Ding Ho saisit à merveille le pouls d’une ville qui bouillonne de vie. Il met en scène de façon simple et sans fioriture (techniquement, en total opposition avec ce qu’il nous avait montré dans ses travaux courts) un road movie qui prête le plus souvent à sourire, bien qu’il se joue en filigrane une tension dramatique traitée tout en finesse.
Pinoy Sunday est avant tout un film sur les petites choses de la vie. Une réflexion sur ce que l’on recherche tous : une certaine forme de bonheur. Ici, pour Dado et Manuel dont les Philippines manquent, il est symbolisé par un canapé leur faisant oublier leurs déceptions amoureuses. Ce duo aux caractères opposés offre une bonne performance. Ils se révèlent comme les Laurel et Hardy du vingt et unième siècle, sans le burlesque. Ils rappellent des couples mythiques à l’écran comme Dean Martin et Jerry Lewis ou bien encore Bud Abbott et Lou Costello. Des pointes humoristiques parsèment ce film qui sait être touchant dans cette façon qu’il a de nous raconter la solitude. Un père (Dado) loin de sa famille qui se rapproche d’une jeune femme. Cette pseudo-relation extra-conjugale n’est jamais consumée. On dénote à travers le langage corporel que cette relation est basée uniquement sur une relation amicale voulant rompre avec la solitude. Un isolement des sentiments partagé par un célibataire (Manuel) qui rêve de trouver une moitié, avec laquelle partager un amour mutuel et rompre avec cette condition.
Distraction réussie pleine de charme, Pinoy Sunday est une petite comédie qui ne paye pas de mine mais qui révèle en elle des thèmes forts, orchestrés avec doigté.
I.D.
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