Kim Ki-duk (KKD) signait avec L’Île (2000) l’un de ses premiers films, le cinquième pour un cinéaste qui compte en 2008 quinze films à son actif en douze années de carrière en tant que réalisateur, chose plutôt rare chez un cinéaste. Une productivité sur une courte durée qui n'a pourtant pas été gage de qualité. Une filmographie en dent de scie, Kim Ki-duk ne se présente plus ou presque. On le dit autodidacte et chouchou des festivals. Il parle d’un cinéma sombre, glauque parfois, d'un cinéma quasi-muet. Son cinéma est fait de marginaux, de désaxés souillés par la perversité entre autre ; L’Île en est de cela.
L’Île est l’un des meilleurs Kim Ki-duk car il réunit tout ce que son auteur sait faire de mieux. Un cinéma qui lui est caractéristique, un cinéma qui nous dit qu’aux premières images on assiste à une projection d’un KKD.
Dans L’Île, un ensemble de petits îlots de pêche caractérisés par des couleurs sont parsemés sur l’étendue d’un lac. Hee-jin s’occupe de louer ces îlots flottants aux pêcheurs. Elle tient le rôle de propriétaire des lieux mais aussi de serveuse, de femme de ménage lorsque ce n’est pas de prostituée. Sa vie morne va changer le jour où Hyun-shik, un homme en cavale se réfugie dans l’un des îlots pour échapper à la police. Un amour pervers va naître entre les deux jeunes gens.
Kim Ki-duk pour son plus grand plaisir (et le notre ?) met en spectacle ses personnages qu’il affectionne tant, mêlant les comportements déviants d’une société coréenne qu’il aime égratigner. Un choc des cultures se révèle entre ces deux personnages, qui petit à petit, vont se montrer comme étant l’alter ego l’un de l’autre. Elle, représente la vie loin de tout, loin de la société dont les stigmates s’égrainent dans son comportement (asociale), lui, la vie citadine et son modernisme amenant dans ses bagages les stigmates d’une vie étouffée par le béton (le renfermement).
L’Île est une tragédie sur le désespoir, celle d’un amour qui naît entre deux autistes (Hee-jin restant figée dans son mutisme et Hyun-shik ne confessant pas son crime) qui s’aiment à travers d’actes déments. Une folie amoureuse où l’amour justement est chaque fois plus fort à mesure que les mutilations se font de plus en plus dans la douleur. Terrible est la façon dont ils ont de se dire : « je t’aime » : un langage du corps qui se met à la place de la parole, mêlant plaisir charnel passionné et pervers. Tout au long du film la mort plane au-dessus de leur tête, une mort lente qui coule tranquillement comme les flots.
Kim Ki-duk met en image des amants maudits comme rarement ils avaient été montrés au cinéma. Il fait preuve d’une grande qualité dans la mise en scène qui aux premiers abords parait tout bonnement sobre mais qui en réalité est bien plus que cela. Il montre un grand savoir-faire dans le cadrage ainsi que sur la fluidité du récit et des images. Et fait donc de l’Île, un film fascinant et fluide laissant aller la caméra comme les deux amants dans leur fuite en avant de l’amour éternel.
I.D.
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