Drame érotique (difficilement classable) du cinéaste philippin Elwood Perez, Silip – Daughters of Eve (1986) nous plonge dans le microcosme sociétal d’un village reculé régi par la foi religieuse.
Depuis le départ du prêtre, Tonya (Maria Isabel Lopez) une jolie jeune femme s’occupe en tant qu’enseignante de l’éducation religieuse des enfants de son village. Elle est convoitée par Simon, un bel âtre qui se déplace à dos de buffle et sait être généreux avec elle. Mais cette dernière se refuse à toute tentation qu’elle perçoit comme les agissements du Diable. Alors que Tonya refreine de plus en plus ses envies charnelles et qu’elle commence à être discréditée par les villageois qui remettent en cause son statut d’enseignante, Selda (Sarsi Emmanuelle) une amie d’enfance revient dans le village qu’elle avait quelques années plus tôt quittée pour la capitale…
Silip va au-delà du simple film érotique lambda. Erotique, il l’est pour la nudité qu’il étreigne tout au long de sa durée et les ébats passionnels qui le ponctuent. Silip est bien plus que ses scènes d’amours où l’anatomie ne nous est pas cachée. Il y a une liberté de ton chez l’auteur philippin qui prendra au fur et à mesure une verve beaucoup plus critique de la société. En prenant ce village (qui semble perdu au milieu du désert) pour exemple, il expérimente les relations sociales des uns et des autres, des villageois conditionnés dans un rôle prédéfini qui se jouent au quotidien. Par le biais d’une fièvre dénonciatrice, Elwood Perez montre du doigt la société patriarcale forte qui écrase toute émancipation de la femme ainsi que le poids de la religion dans le quotidien des villageois. Une foi aveugle souvent hypocrite dont le jugement qui en découle se fait le plus souvent sans discernement ou par simple vengeance. Des images religieuses (la tentation de la chair) et des références à la Bible (David contre Goliath), il y en a quelques-unes dans Silip qui vont jusqu’aux heures sombres de la chrétienté comme l’inquisition et le bûcher. L’œuvre devient par moment effrayante sur les dérives des villageois et l’endoctrinement des enfants. Il faut voir cette dernière séquence, ce plan final d’un confessionnal en pleine nature qui ne peut que glacer le dos face aux drames qui se sont joués, révélateur de toute l’hypocrisie de l’homme et sa rédemption.
Silip est une œuvre surprenante et extrême dont le cadre environnemental, ce village qui s’apparente à un huit clos malsain, nous pousse à une certaine forme de voyeurisme. L’oeuvre est d’une violence (nous ne sommes jamais bien loin du gore) crue et frôle même la pornographie. Il y a dans Silip des choses intéressantes, le choix de ce village perdu qui s’apparente à un havre de paix ou bien à un éden. Il est en réalité une prison de sable et d’eau de mer dans lequel il ne semble exister d’échappatoire pour ses villageois martelés par un soleil de plomb et des valeurs de plus en plus obsolètes. L’intérêt réside également dans le poids de la religion mais surtout ses interprétations religieuses, des interprétations qui vont dans le sens de celui ou celle qui l’interprète, cela va de soit. Elle réside aussi dans la présence de Selda, une ancienne fille du village qui a goûté à la vie urbaine, apportant un autre regard et ses superstitions. Son comportement désinvolte chamboule la petite vie du village qui se meurt dans une autarcie dangereuse. Si la mise en scène est réussie à l’image de l’écriture du scénario, les interprétations pourraient interpellées. On n’évite jamais le risible, pourtant au-delà de cet état, il y a un véritable effort de prestations pour révéler tout le sérieux d’une telle histoire.
I.D.
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