dimanche 4 août 2013

La Rivière : Contamination

dimanche 4 août 2013

Troisième long-métrage du cinéaste taiwanais Tsai Ming-liang, La Rivière / He Liu (1996) nous plonge dans un drame familial. On y suit les membres d’une famille qui vivent ensemble sans communiquer les uns avec les autres.

Hsiao-kang, un jeune homme sans emploi rencontre une ancienne camarade de classe qui travaille sur le tournage d’un film. La réalisatrice (Ann Hui) demande à Hsiao-kang de remplacer le mannequin qui fait figure de cadavre dans les eaux d’une rivière polluée. Le jeune homme accepte et se réveille le lendemain avec une étrange douleur à la nuque. Personne ne parvient à guérir le mal dont il est atteint. Parallèlement, son père retraité erre dans les saunas gays, alors que sa mère vit une relation extra-conjugale avec un homme qui pirate des cassettes pornographiques…

La Rivière est le constat d’une famille où règne l’incommunicabilité. Les trois membres (père, mère et fils) ne savent, ne veulent plus communiquer entre eux. Ils sont des corps qui hantent un appartement, seul lien qui les maintient ensemble. Un semblant d’attache familial qui n’est même pas affectif et qui se délite avec le temps, jusqu’à ce que le fils, atteint d’un mal incurable apporte un renouveau à cette situation. Dès lors, une relation nouvelle voit le jour au travers d’une communication qui renforce leurs liens. Une communication singulière à l’image de l’auteur taïwanais. Les membres y communiquent par le biais de la gestuelle, par le fait de se nourrir tout en usant peu de la parole. La Rivière parle alors de la transformation d’une famille qui s’unit pour apaiser le corps endolori du fils unique. Une transformation qui s’opère tout au long, celui d’un récit envahit par l’eau comme expiation de cette famille.

L’eau est source de vie. Dans La Rivière, elle est d’autant plus importante qu’elle offre le récit auquel nous assistons. Cette caractéristique du cinéma de Tsai Ming-liang apporte l’une des interrogations sur le mal dont souffre le personnage interprété par Lee Kang-shen. Est-ce l’eau polluée de la rivière qui est à l’origine de ce mal ? Elle, omniprésente qui est à la fois celle de la rivière, des saunas, des fuites qui pullulent dans la chambre du père, lorsqu’elle n’est tout bonnement pas les larmes de nos protagonistes. Ce mal est difficilement explicable. Il pourrait être dû à cette relation hétérosexuelle de Hsiao-kang avec son ancienne camarade de classe. Une douleur aussi bien physique que psychique. Dès lors, acupuncture, piqûre, massage et autre incantation ne changeront rien, comme nous ne serons jamais le comment et le pourquoi de cette douleur qui trésaille tant Hsiao-kang. Un mal qui n’en reste pas moins salvateur.
Tsai Ming-liang adopte dans sa réalisation la mise en avant d’une retranscription d’un quotidien, celui des détails de la vie et d’une famille lambda. Des détails qui n’apportent rien au prime abord. Pourtant, s’ils n’apportent rien à la narration, ces détails confèrent une réalité hors récit, une vie qui se poursuit. Ces instants où rien ne se passent, le cinéaste les filme avec de longs plans, sans retenue, sans contrainte. Il filme le vide parce que la vie, c’est aussi ces instants. Avec La Rivière, Tsai Ming-liang met en scène une œuvre énigmatique où la douleur, l’amour, la communication ne font qu’un au sein d’une même famille qui ressortira changée de cette expérience. Un nouveau lien se créera donc, un lien indéfectible s’immisçant entre un père, une mère et un fils comme l’eau qui coule et que rien n’arrête. 



I.D.

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