Hirokazu Kore-eda à qui l’on doit des films talentueux comme After Life (1998) et Nobody Knows (2004), nous revient avec Still Walking (2008). Ici, il est question d’une famille japonaise qui se retrouve pour commémorer la mort d’un fils, Junpei décédé de noyade quinze ans plus tôt. Ainsi, les (grands-)parents reçoivent chez eux leur fille, Chinami accompagnée de son mari et ses deux enfants. Tout ce beau monde est rejoint par le cadet de la famille, Ryôta, marié sur le tard à une veuve, mère d’un jeune garçon ; mariage dont les parents n’avaient pas donné leur assentiment.
Kore-eda nous revient avec un film sur la famille. Un film simple avec une mise en scène qui l’est tout autant. Il définit dans un laps de temps court (24 heures) et dans un lieu quasi-unique (la maison des Yokoyama) une œuvre sur les relations familiales, entre non-dits et tradition. Indubitablement, on pense au cinéma d’Ozu sur les relations père-fils et à sa réalisation minimaliste. Surtout, Still Walking pourrait être la panache des œuvres de Naruse, avec l’existence du lien familial fort dont aucun des personnages ne parvient à se libérer par le souvenir d’un frère disparu. Tout comme lui, Kore-eda met en scène les difficultés d’une famille avec un soin particulier à poser sa caméra et épurer ses déplacements.
Ce qui marque surtout dans cette œuvre de Kore-eda est l’utilisation du gros plan qui semble nous annoncer l’introduction d’une nouvelle scène, comme la mise en place d’un souvenir passé. Le film commence par ces légumes épluchés par une mère et une fille préparant le déjeuner en discutant, se poursuit par la friture des tempuras de maïs annonçant le rassemblement de la famille dans la cuisine avant l’heure, synonyme de souvenir joyeux, et ainsi de suite…
Still Walking parvient à retranscrire habilement les comportements de chaque membre de la famille. On y retrouve les affinités, les joies d’être ensemble mais aussi la réticence de voir ses proches et notamment la difficulté de communiquer au-delà des discussions consensuelles et de la nostalgie d’antan. Les personnages sont tous nourris d’un manque : celui de pouvoir dire les choses. Tiraillés, ils sont incapables de pouvoir exprimer des sentiments qu’ils gardent tels une souffrance muette. S’ils leur arrivent de laisser échapper cette envie de dire les choses, c’est toujours de façon maladroite et presque belliqueuse, chacun reprochant à l’autre une blessure qu’il porte en lui.
Still Walking c’est aussi l’image permanente du fils-frère défunt, absent physiquement mais constamment présent à travers des souvenirs que la famille se remémore, inlassablement. Des membres qui ne semblent vivre que dans le passé, ne s’arrêtant dans le présent que pour questionner la vie professionnelle des uns et des autres, et finalement revenir vers Junpei, encore... Il en va de même pour le futur, fait de fausses promesses, annonçant le changement et donc la scissure avec le « culte » pesant porté par un frère défunt. Still Walking de Hirokazu Kore-eda parvient admirablement à raconter l’histoire d’une famille qui tente de conserver un traditionalisme, autour de personnages trop pudiques pour communiquer, envahis par un spectre qu’est Junpei (la mort), symbole d’un souvenir trop lourd à porter. On ne s’ennuie pas devant cette œuvre fluide qui nous rappelle l’importance de vivre chaque instants familiaux, et essentiellement de communiquer et de dépasser la hantise qu’on aurait à se dévoiler à ses proches.
I.D.
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