vendredi 23 avril 2010

Independencia : Déflagration historique

vendredi 23 avril 2010

Jeune cinéaste philippin Raya Martin signe Independencia (2009), deuxième volet de sa trilogie sur l’indépendance des Philippines.

Philippines, au début du XXème siècle. Une guerre éclate entre philippins, fraîchement débarrassés de l’hégémonie espagnole, et américains. Une mère et son fils décident de s’enfuir dans la forêt pour s’y cacher. Ils s’y installent. Un jour, le fils découvre le corps d’une jeune femme inconsciente. Il la ramène dans son abri…

Independencia détone, surprend, déstabilise tout en enchantant. Une œuvre rare dans le panorama cinématographique qui se veut visuellement incroyable, surtout qui se veut véritablement hypnotique dans cette façon qu’elle a de nous happer en son sein. On pénètre dans un univers captivant où l’on découvre les moindres recoins d’une Histoire qui se joue en sourdine. Le but de Raya Martin est clair, à travers ses œuvres l’auteur désire reconstruire les archives perdues d’une mémoire collective nationale. Pour entreprendre ce travail de sape, le cinéaste inscrit Independencia dans une nature cinématographique d’antan. L’esthétique d’un cinéma primitif muet mais ici parlant en noir et blanc s’invitent (nous invite) dans un décor de studio à l’éclairage artificiel enfermé dans une fenêtre carrée pour le format. Raya Martin va jusqu’à saccader l’image pour réduire le défilement et ainsi lui donner l’aura de ces vieux films muets.


Independencia transpire ces vieux films hollywoodiens des studios et engendre par cet esthétisme une fascination d’assister à un film retrouvé. Le jeune cinéaste fait preuve d’une grande inventivité et d’un talent sans borne pour nous raconter l’histoire d’un pays à travers une poignée d’acteurs dont les personnages vivent un quotidien sans fioriture, une vie simple qui répond aux besoins fondamentaux de l’être humain. Un être humain qui fait corps avec la nature, certes artificielle pourtant un sentiment fort s’en dégage, celui d’une forêt qui s’étend à l’infinie alors même que nous sommes enfermés dans un décor de studio. Stupéfiant. Là est le talent de Raya Martin dans cette façon qu’il a de disposer théâtralement cette histoire et de nous tenir en haleine. Rarement un film aura communiqué ce sentiment d’être dans l’image, dans cette jungle alors même que le décor est dès plus minime. La forêt mais aussi l’intérieur d’une cabane.

Ce sentiment d’immersion à Independencia est accentué à mesure que le temps s’écoule, que le conflit se rapproche de nos protagonistes, que l’orage gronde comme jamais au-delà de tout artifice virtuel. Comment un film aussi « basique » dans sa conception parvient à évoquer une réalité (fausse) si prenante ? Independencia parvient à nous faire sentir le vent, la pluie, le chant des oiseaux à notre proximité. Le travail plastique est d’une beauté fabuleuse sans parler du travail sonore tout aussi surprenant. Independencia est à la fois tragique et fantastique. Une œuvre d’une grande maturité ce qui me fait penser qu’Orson Welles réalisa son chef d’œuvre, Citizen Kane, à vingt-cinq ans (peut-être vingt-six). Je ne sais si Raya Martin (à ce même âge) livre ici son chef-d’œuvre. Dans tout les cas il s’inscrit comme un cinéaste important. Un cinéaste à suivre. Un cinéaste dont on se délecte sans fin.

I.D.

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