Im Kwon-taek signe avec Souvenir son centième film. Une carrière dédiée au cinéma coréen dans lequel il se sera illustré dans différent genre, du film de guerre aux polars en passant par de grandes fresques historiques. Il porte avec lui un pan entier du cinéma coréen qu’il n’aura de cesse de lui donner ses lettres de noblesse.
Avec Souvenir, Im Kwon-taek signe son troisième film consacré à l’art musical qu’est le Pansori. Un art coréen du récit chanté, à la fois nostalgique et lyrique, un art contant des histoires souvent tragiques, à l’image de la relation impossible que vont vivre les deux protagonistes du film.
Song-hwa est la chanteuse de Pansori, Dong-ho, le joueur de tambour, ces deux orphelins, devenus frère et sœur par la force des choses, vont être recueillis par un maître du chant traditionnel coréen tyrannique et borné. Ce dernier va les éduquer dans la sévérité et la discipline que nécessite l’art du Pansori, les obligeant à tous les sacrifices pour atteindre une célébrité que lui-même n’a jamais connu, qualifié par beaucoup de « chanteur raté ». Dong-ho ne supportant plus cette sévérité, quitte la maisonnée, laissant seule une sœur « tant aimée ». Le sacrifice devient sordide lorsque le père vient à faire perdre la vue à sa propre fille pour parfaire sa voix et l’intensité de son chant, car « pour bien chanter il faut avoir connu une grande souffrance », affirme t-il.
Le film nous raconte alors l’histoire d’un Dong-ho en quête perpétuelle d’une sœur abandonnée, qui aura tout sacrifié au Pansori. Il erre d’une province à une autre au milieu de villages méconnaissables où les évolutions suivent leurs cours alors que le manque et la culpabilité d’un abandon perdurent. Un frère à la recherche d’une sœur qui ne cessera de répéter au détour des ruelles : « connaissez-vous une chanteuse aveugle ? ». C’est à un parcours chaotique auquel on assiste où les retrouvailles se font et se défont… trop facilement. Des années de temps perdus que ne parvient pas à rattraper un frère aimant et gauche. Une quête amoureuse que les deux protagonistes cherchent et fuient car quasi incestueuse. Un amour qui va alors se construire autour d’entrevues furtives, de promesses, de chants, de son de tambour et d’une bague faite d’une douille.
C’est aussi une ode au Pansori bien évidemment qu’Im Kwon-taek traduit ici par ce centième film. Un art qui relève à la fois de la discipline, de la technique mais aussi du don. C’est à travers Song-hwa, cette jeune orpheline que le cinéaste met en avant l’art comme don de soi, indomptable et surprenant au-delà de tout code pragmatique. Une jeune fille qui va par son manque d’éducation éblouir de nombreux auditoires malgré les on dit sur sa façon de narrer les récits et sa désinvolture du sens des mots. Peu importe, l’art est avant tout créatif et étonnant.
Une vie vouée au Pansori à l’image d’Im Kwon-taek et du cinéma. Souvenir comme une continuité à l’un de ses plus grands chefs d’œuvre La chanteuse de Pansori (1993), le Pansori dépeint à deux époques différentes mais marquant indéniablement l’intensité de son amour pour l’art coréen du récit chanté.
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