Production Cathay-Keris en N&B, Le Petit-fils du Datuk Merah / Cucu Datuk Merah (1963) de M. Amin met en scène un mélodrame en costume qui se déroule dans la province de Terengganu.
Awang Janggut est le descendant d’un guerrier respecté de tous. Il refuse de travailler pour éviter tout déshonneur et préfère vivre pauvrement avec sa femme Kuntum. Alors que Awang se promène, il sauve des griffes de malveillants, la jeune Siti Molek dont le père est un riche notable. Cette dernière pas insensible au charme de son sauveur parvient à convaincre son père d’engager Awang comme garde du corps. Elle met alors tout en œuvre pour le séduire en dépit de Kuntum…
De quoi parle Le Petit-fils du Datuk Merah ? Ce film de M. Amin s’intéresse à décrire la vie d’un homme qui vit dans le passé. Un homme qui n’est pas à sa place dans une société malaise en mutation. Un homme hors de son époque qui désirerait encore jouir du renom de sa famille. Une famille illustre dans la bataille, une famille de guerrier qui n’a plus lieu d’être en ces temps d’accalmie. Ce personnage est d’autant plus intéressant que Awang Janggut pourrait être qualifié de presque schizophrène tant il ne parvient à se détacher de son passé pour se faire une place dans le présent. Du coup, Awang Janggut contraste avec la populace qui l’entoure, il est à la fois le sujet de moquerie (vu comme un fainéant) mais il parvient à conserver un certain respect du à son rang, devenu depuis obsolète. Un homme d’une autre époque vivant avec des règles d’un autre temps, celle de l’honneur et du courage et dont le coq de combat, Jalak est sa seule fierté comme une extension de sa propre personne.
Mais Le Petit-fils du Datuk Merah c’est aussi une histoire d’amour et de vengeance en filigrane. Ce qui frappe c’est que Awang Janggut ne parviendra réellement à avoir une place dans cette nouvelle société que par ce qui le caractérisait (lui et les gens de sa « classe ») dans le passé : la force physique. Et c’est lorsqu’il s’intégrera enfin à ce nouveau monde qu’il se perdra. Une façon de dire via un fatalisme sous-jacent que ces hommes du passé n’ont vraiment mais vraiment pas (plus) leur place dans cette société. Cette perdition provoquera l’effacement de ce qui faisait son intégrité. Trahison amoureuse, drame, vengeance ponctue cette œuvre qui s’avèrera sombre et sans retour possible d’un homme qui a pris un chemin qui n’était le sien. Il entraînera dans sa perte sa bien aimée mais aussi ses ennemis comme dernier sursaut d’orgueil et de courage qu’il tient de ses aïeux. Une perte caractérisée par un amour extra-conjugal mais aussi le fait de délaisser ce qui le maintenait dans son rang : le coq Jalak.
Le Petit-fils du Datuk Merah fait partie de ces vieux films populaire malais dans lequel on retrouve le chant (un de mémoire, ce qui est étonnant, j’ai noté qu’en général, ils sont au minimum de trois), la danse (comme une parade amoureuse qui permet notamment à la jeune Siti de séduire et corrompre Awang) mais aussi tout les codes qui font l’histoire d’un héro maudit, sanctionné pour ne pas être resté lui-même ; fidèle à son code d’honneur en succombant au charme des femmes puisque la déchéance insidieuse d’Awang Janggut s’opère une fois qu’il se laisse ensorceler par le pouvoir de séduction de Siti. Les conséquences seront désastreuses puisqu’il n’y aura point de rédemption possible ou du moins trop tard. Cette idée de déchéance se renforcera avec ce qu’il adviendra de Jalak, le coq (la perte de filiation) que rien ne pourra venir remplacer.
Si l’histoire et ses personnages n’étaient pas inintéressantes, Le Petit-fils du Datuk Merah manque tout de même de tonalité. Il m’est arrivé de m’ennuyer et de trouver le temps long sans oublier l’omniprésence de la musique en arrière fond, empêchant tout silence. Comme s’il fallait le combler absolument. Enervant parce que l’emploi de cette musique n’était pas toujours judicieuse selon les propos tenus par les protagonistes. Ce film de M. Amin vaudra surtout pour cette fin teintée d’obscurité et de désespoir que j’affectionne tout particulièrement, c’est peut-être ici que se jouait l’audace d’une œuvre qui en manque cruellement et qui parvient du coup à terminer sur une note positive bien que non joyeuse.
I.D.
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