Voir la première réalisation de Takeshi Kitano après Sonatine (1993), mon premier film visionné a renforcé ma fascination pour lui, en tant qu’acteur comme réalisateur. Un style caractéristique propre qu’il n’a cessé de développer dans ces films suivants. Avec Violent Cop/Sono otoko kyobo ni tsuki (1989) qu’on pourrait traduire littéralement par : « Attention, cet homme est violent », Takeshi Kitano donne le ton dès le titre.
Ce qui m’a tout d’abord frappé lorsque que j’ai vu Violent Cop pour la première fois c’est cette violence brutale, froide dont Kitano, du moins son personnage est totalement détaché. Le film commence comme un Orange Mécanique japonais avec une violence insouciante administrée par des jeunes par laquelle Kitano répond par une violence symbolique, une punition infligée, dont il est juge et juré à la fois. Ce que j’ai pensé en voyant ce flic, Azuma (Takeshi Kitano) c’est qu’il était un autiste macabre. A ses côtés l’inspecteur Harry fait pâle figure, un mariole. Azuma est asocial, pas vraiment puisqu’il a un ami, il se lie même d’amitié avec la jeune recrue, Kikuchi. Il n’est pas intégré, pas réellement non plus puisque d’une certaine manière en appartenant à cette institution qu’est la police, il l’est. Azuma est véritablement un marginal intégré qui se fiche pas mal de l’autorité, sourd au monde qui l’entoure mais pas aveugle. Il souffre d’un pétage de plomb en silence qu’il ne parvient à exprimer que par les coups et les coups de feu. Une souffrance qui atteint son paroxysme à la mort de son unique et vrai collègue et ami.
Violent Cop raconte l’histoire d’un flic réservé et violent, Azuma. Il est sur les traces d’un trafiquant de drogue qui laisse derrière lui des cadavres. Son enquête le mène à un homme d’affaire, Kiyohiro…
Kitano qui ne devait être qu’acteur prend les reines de la réalisation, Kinji Fukasaku étant malade abandonne. Les producteurs lui proposent, Kitano enfante un film d’une violence malsaine, montrée telle quelle à l’état de nature sordide. Dans Violent Cop, la société semble en déliquescence. Les jeunes n’ont aucun respect pour leurs aînés et se complaisent dans la délinquance. Il existe une perte de l’autorité notamment celle de la police qui ne fait plus peur et qui ne se fait plus respecter lorsqu’elle n’est pas tout bonnement corrompu.
La mise en scène de Violent Cop se résume au plus strict appareil, une caméra statique. Kitano commence à développer son style. Un style qui se rapproche d’une réalisation : une scène, un plan. Cette caméra statique permet un regain de tension qui hypnose le spectateur. Elle est statique à l’image de ses personnages qu’elle filme surtout Kitano dont son jeu d’acteur est d’un stoïcisme troublant. Il ne joue pas il est, c’est véritablement du non-jeu. Azuma est présent mais terriblement absent. Les gunfights qu’il réalise sont réels en deçà d’une quelconque surenchère. Les mecs tirent et ne sautent pas dans tous les sens, ils tirent et n’atteignent pas toujours leur cible…
Violent Cop comme nombre de films de Kitano vaut également pour sa musique qui est singulièrement surprenante avec le thème qui revient plusieurs fois durant le film, une musique semblable à de la musique grecque dont le nom m’échappe. La scène de la course poursuite est superbe, rythmée par un morceau de jazz où l’on parvient à ressentir la fatigue d’Azuma, tout comme lui on souffre, essoufflé par la course qui semble sans fin.
Finalement, Takeshi Kitano ponctue son œuvre par un regard pessimiste en mettant en avant que la vie est un éternel recommencement. La vie continue avec ses gangsters qui prennent la place vacante laissée par leurs prédécesseurs et ses flics corrompus remplacés à leur tour…
I.D.
10 commentaires:
L'un des rares films du maître qui me laisse encore aujourd'hui insensible, hormis son final en forme de poème pessimiste, terriblement noir, d'une insolente maîtrise. Kitano était déjà là...
Lorsque j'ai vu ce film c'était véritablement une claque que je me prenais en pleine figure.
A l'époque, en ce qui me concerne, le cinéma japonais se résumait aux films qui allaient jusqu'à la fin des années 70. Ce cinéma des années 90 ne m'intéressait pas (pas tout quand même). Je le trouvais sans attrait et puis tu tombes sur Sonatine et tu enchaines avec Violent Cop et là, tu te dis : pouh ! Sur quoi je viens de tomber.
Je suis resté fasciné par ce film, encore aujourd'hui, de la scène d'ouverture au final dont tu parles. Il y a des choses distillées dans ce film que je trouve superbe par la noirceur qui s'en dégage. Si l'on peut considérer la noirceur comme superbe, cela va de soit. ;)
je suis tout à fait d'accord...ce côté sombre ...
Je ne connais que trop peu l'œuvre de Kitano pour émettre un avis, mais ce qui est sur c'est que je vais pouvoir me rattraper grâce à la rétro :)
Surtout, SURTOUT, si vous ne l'avez déjà pas vu, ne manquez pas Hana-Bi. Je viendrai sûrement le revoir pour la N-ième fois.
D'ailleurs, les projections que vous avez vues sont-elles en 35mm?
Je n'ai pas encore vu Hana-bi, mais la lecture de l'article d'I.D. m'a grandement donné envie de le découvrir.
On ne sait pas encore rendu à la rétro pour le moment. Début des réjouissances en avril. Donc je n'ai aucune idée du format des projections. A suivre. Si tu t'y rends avant nous, l'info pourrait nous intéresser. Merci Xavier :)
Ah, je pensais que vous aviez vu Hana Bi tous les deux à la rétro, vu les critiques d'I.D du moment! De toute manière, dès ce week-end je me rends à la rétro, mais pas sur d'avoir des copies 35mm pour les films de Kitano acteur et uniquement acteur. Je vous tiendrai au courant évidemment!
Qu'est-ce que tu as au programme de ce we ?
De notre côté, on commencera à y aller à partir d'avril. On se tient au courant.
Ah mince, je viens de voir qu'il n'y avait pas de séances du tout jusqu'au 1er avril! Arf! Bon et bien, je vous dit au mois d'avril alors! ;)
> D'ailleurs, les projections que vous avez vues sont-elles en 35mm?
Les films de Kitano en tant que réal' et acteur seront projettés en 35mm, normalement. Par contre le boulot de télé sera en bêta.
Sorry pour l'attente de la réponse mon Xavier. On devrait attaquer dès le 1er avril au soir chez M.I.A.
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