lundi 25 juillet 2011

The Murderer (The Yellow Sea) : Joseonjok

lundi 25 juillet 2011

Le cinéaste Na Hong-jin avait beaucoup fait parler de lui avec son thriller The Chaser. Il nous revient avec son deuxième long-métrage, The Murderer (The Yellow Sea) / Hwang-hae (2010).

Dans le Yanji, Gun-nam un chauffeur de taxi qui croule sous les dettes joue au mah-jong pour les éponger. Il a emprunté de l’argent à des malfrats pour acheter le visa de sa femme partie pour la Corée du Sud. Il est depuis sans nouvelle d’elle. Myun, le chef de la pègre locale lui propose d’effacer sa dette en assassinant un homme qui vit en Corée du Sud. Gun-nam accepte le contrat avec l’espoir de retrouver sa femme…


The Murderer commence dans le Yanji, ce début de film est d’un aspect quasi documentaire, Na Hong-jin nous montre une région aux immeubles vétustes et sinistres. Il y a une misère palpable qui rappelle les vies désenchantées de La Rivière Tumen de Zhang Lu. On y découvre des réfugiés nord-coréens tentant de survivre dans cette région chinoise. Très vite le film de Na Hong-jin prend une dimension social et politique dont le personnage de Gun-nam se fait écho. Il traduit tout le désespoir d’une situation par son seul faciès. L’auteur sud-coréen n’oublie pas de parler des différentes communautés qui font cette société, et du racisme qui en découle, noircissant un peu plus le tableau avec des images métaphoriques sur la conditions des ces hommes et femmes - voir le marché des chiens, une vision brutale et sombre de ces existences friables. Fuir cet enfer devient alors un leitmotiv pour ses habitants, Gun-nam s’endette pour payer le visa de sa femme. Il y a un peu de Boat People de Ann Hui dans The Murderer. Pour rembourser cette dette, il va entreprendre la traversée dangereuse par la mer vers la Corée du Sud. Ce plan de nuit, sur l’embarcation de fortune de Gun-nam qui regarde la ville lumineuse est frappant. Les immeubles décrépis de Yanji font place aux lumières d’un Séoul qui scintille de mille feux. On pense au film de Johnny Mak, Long Arm of the Law avec la ville de Hong Kong de nuit qui déchire l’obscurité pauvre de la Chine continentale, mais aussi à son passage de frontière brutale que vivent les protagonistes. Ici, Gun-nam est seul. Seul face à une ville inconnue et bientôt seul contre tous.

Na Hong-jin nous offre avec The Murderer un film noir où la violence est omniprésente, son aspect nihiliste et sans concession nous éclate en plein visage. Son savoir-faire artistique et technique nous emporte dans ce trop plein de sensation forte où l’intrigue haletante nous emmène sur des chemins sinueux. Le suspense distillé et les rebondissements multiples avec cette brutalité constante dans les actes de tout bord finissent par nous achever. Nous sommes plongés de plein fouet dans ces règlements de comptes à l’arme blanche qui rappelle fortement la froideur extrême du diptyque Election de Johnnie To. L’intelligence de Na Hong-jin dans la mise en scène est de faire appel aux hors champs ainsi qu’aux ellipses rendant la part d’imaginaire encore plus effroyables que les images. L’impact de cette violence est d’un barbarisme qui tranche dans la société moderne sud-coréenne « aseptisée ». Il est par ailleurs amusant de voir le contraste qui existe entre les mafieux de Yanji (à l’apparence dépouillée) et ceux de Séoul (avec leur costume taillé), deux mondes qui se confrontent, deux mondes qui s’allient et s’affrontent pour l’argent qui est au centre de tout ce marasme. Pourtant, si The Murderer a ses qualités, il n’échappe pas à quelques points négatifs qui le minent. On regrettera dans le feu de l’action cette caméra secouée dans tous les sens pour traduire un effet de dynamisme effrénée (notamment dans les courses-poursuites). On regrettera tout autant l’emploi de la vidéo numérique qui tranche avec le reste du film. Sans ça, l’intrigue (bien qu’intéressante) s’avère brouillonne et l’utilisation de personnages comme les inspecteurs de police ne sont franchement pas nécessaires à l’évolution de l’intrigue.

The Murderer est un thriller réussi qui n’échappe malheureusement pas à quelques défauts. Au-delà de cet état de fait, Na Hong-jin montre un talent de cinéaste certain et offre une alternative dans la cinématographie sud-coréenne. Il est également à noter l’apport essentiel du casting dans cet ensemble que constitue le film, premiers et seconds rôles confondus. Une spéciale pour Kim Yun-seok et sa hachette ainsi que le budget « froissage de carrosserie » qui a du être énorme.

I.D.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Belle critique, I.D.
On est sur la même longueur d'onde.

*

J'ai lu ici ou là qu'on n'a pas compris le récit autour du prof.
C'est très clair en fait :

[Attention spoiler] :

1.Le "prof" (la cible de Gu-nam au début) est l'amant de la femme du big boss sud-coréen, par ailleurs son associé. Le big boss a acheté le chauffeur du prof pour qu'il tue ce dernier.

2. La femme du prof a un amant, le banquier. Le couple illégitime désire se débarrasser du mari. Il fait appel à un intermédiaire, qui connait Myun le chef nord-coréen. Myun confie la mission à Gu-nam (tout en l'entubant au passage).

3. Gu-nam et le chauffeur (qui a fait sous-traiter sa mission par deux autres Nord-coréens) se croisent...

Anonyme a dit…

sorry, c'était P'tit Panda :)

I.D. a dit…

Merci. J'ai eu l'occasion de te lire après coup sur le forum HKCM (je trouve dommage que ton avis reste sur un simple topic soit dit en passant) et j'ai bien adhéré à ton point de vue. Je suis content qu'on est perçu les mêmes références mais surtout j'ai bien aimé ton "analyse" sur le regard porté au monde capitaliste.

[Attention spoiler] :

Je ne pensais pas que la femme du prof' avait pour amant le banquier. Je pensais que c'était un type qu'elle connaissait et à qui elle demandait... enfin tu vois. T'as bien fait d'aller le voir une deuxième fois. Ca permet vraiment de prendre un certain recul.

Olrik a dit…

Après I saw the Devil que j'ai plutôt aimé, the Murderer est le nouveau film kimchi qu'il faut que je vois.Content de voir que ta critique confirme la bonne impression que j'en avais après avoir vu la BA.

David Tredler a dit…

On partage plutôt le même avis sur le film ID. Et p'tit Panda, c'était exactement ce que j'avais compris du film. Moi c'est plus le dernier plan du film (SPOILER !!!)sur la femme de Gu-Nam qui m'a laissé songeur. Plusieurs interprétations sont possibles...

I.D. a dit…

Marrant David que tu penses que ce dernier plan est sujet à interprétation. Ce dernier plan que plus de la moitié de la salle à quasi-loupé parce que déjà levée ou sortie de la salle. Bref. Il me semble qu'il (cette courte séquence)coule de source. Tiens, je vais aller lire ton billet dessus... ;)

Si tu le vois Olrik, balance ton impression mon gars ! :)

David Tredler a dit…

Si ça coule de source pour toi, balance moi un mail pour me donner ton interprétation ;)

I.D. a dit…

Oui finalement c'est pas si compliqué que ça :

http://i51.tinypic.com/1zb3u6o.jpg

Merci à toi dans le fond tout là-bas sur la première à gauche pour le lien.

Sans Congo a dit…

" ainsi que le budget « froissage de carrosserie » qui a du être énorme. "

Joli phrase dis donc, je n'aurais pas pu mieux exprimer l'idée en aussi peu de mots !

I.D. a dit…

Merci. Il faut dire que j'ai de grandes aptitudes pour en sortir des comme ça.

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