L’acteur sud-coréen Yang Ik-joon (Arahan, 2004) met en scène pour son premier long métrage une comédie dramatique : Breathless / Ddongpari (2008). Il y narre violence physique et verbale dans le quotidien d’une petite frappe, inadapté à la société.
Sang-hoon est un collecteur grossier et sans état d’âme qui pour récupérer l’argent des dettes n’hésite pas à faire parler ses poings. Alors qu’il quitte son neveu d’une demi-sœur qu’il évite, il fait la rencontre explosive d’une lycéenne, Yeon-hee. Elle devient vite la seule personne avec laquelle il parvient à communiquer…
Une chose est sûre avec Breathless, c’est que l’on ne s’ennuie pas. Paradoxalement, le film de Yang Ik-joon se laisse voir malgré le fait que son auteur utilise une violence des plus gratuites. Une violence gratuite (physique et verbale) qui devient gênante, si ce n’est ennuyeuse à mesure que le film avance, là est tout le paradoxe puisqu’un certain attachement à l’histoire et à ses personnages survit à cela. L’auteur s’arrête sur un anti-héro qui ne se nourrit, n’existe et ne s’exprime qu’à travers la violence. Un malaise l’habite, un malaise qu’il n’est pas loin de nous communiquer dans cette survie suicidaire, sans borne et sans limite. Un autiste dans un monde où personne ne le comprend jusqu’à cette rencontre, celle de l’écolière Yeon-hee tout autant désabusée par le quotidien que lui. Les deux se comprennent, même vie, même répartie, même gouache. On communique en se frappant, s’insultant, en se moquant… Un respect mutuel et une compréhension de l’autre jamais connue jusqu’alors dans leur vie respective.
Ainsi, Breathless interpelle, on ne sait si on aime le film ou non. Un sentiment mitigé persiste même après son visionnage. Ce n’est pas tant que la violence mette mal à l’aise (quoique, ici j’y mets une réserve, selon la sensibilité de tout à chacun cela va de soit) mais la question de connaître son but et comprendre le pourquoi d’une utilisation si extrême. D’une part, le film est réussi. Il a des qualités indéniables : son scénario, sa mise en scène mais aussi la prestation de ses acteurs. D’autre part, ce sont les moyens utilisés pour y parvenir qui me gênent. Si Breathless raconte l’histoire d’un homme antisocial rempli de rage, de haine et de culpabilité d’un traumatisme passé, doit-on pour autant excuser tant de violence, son emploi abusif qui la rend routinier à nos yeux ? Tout ceci étant sans doute rechercher par l’auteur… Certes la violence est brute et sèche, pas d’esthétisation et c’est tant mieux mais sa banalisation m’exaspère. La violence pour choquer ? La violence pour interpeller ? Le but de cette entreprise est des plus indécis. Pour ma part, je ne vois qu’une violence gratuite pour se faire remarquer. Elle n’était pas forcément nécessaire pour expliquer ce qui tiraille tant le protagoniste qui nous intéresse ici.
En définitive, Breathless fait partie de ces films qui divise tant par le sujet traité que la mise en forme donnée. Une dualité persiste en moi. Je l’aime tout autant que je le déteste. J’avais beaucoup d’appréhension avant de le voir notamment avec la réputation qu’il avait acquise dans nombre de festival où il était présenté. On ne peut pas dire que je sois déçu comme emballé. Breathless se vit à fleur de peau et un deuxième visionnage lui donnera (sans doute) toute sa grandeur ou sa déchéance cinématographique.
I.D
8 commentaires:
Pour moi le deuxième visionnage a confirmé toute la grandeur du film.
Je pense justement que cette surdose de violence dénonce la banalisation de celle-ci dans le quotidien d'un certain pan de la société. Je ne la perçois pas comme gratuite. D'autant que l'on connaît le goût dans le cinéma coréen pour l'exacerbation. C'est aussi pour cela que je l'aime (le cinéma coréen)
Idem, la seconde vision a été très bénéfique. Et bien évidemment que la violence n'est pas gratuite, même si on sort de la salle éprouvé, le cinéaste s'est d'ailleurs assez égosillé à ce sujet, partout où le film a été diffusé, pour le prouver.
Bien sûr que j'ai entendu l'ami Yang Ik-joon défendre son film sur la violence qui y est dépeinte. Pourtant, je ne suis pas franchement convaincu, bien que cela n'enlève en rien, un certain talent de sa part. Question de point de vue.
Après la violence dans les films coréens c'est pas nouveau certes et on peut dire qu'elle fait partie d'un certain style de vie, conséquence d'un traumatisme souvent associé à la dictature qui a sévit là-bas un bon bout de temps. Doit-on pour autant pousser la chose à son paroxysme... ? Je reste mitigé en ce qui concerne la réponse. J'attends tout de même avec impatience l'une de ses futures réal'.
Ce qui est sûr, effectivement, c'est qu'il est difficile de rester insensible face au déluge de violence physique et verbale tout au long du film. Et, Yang Ik-Jun manque sans doute de retenue par moment, dans la dramatisation des séquences (l'agonie finale, les larmes en flash-back...).
Je te rejoins sur la "retenue" dans la dramatisation, effectivement. C'est symptomatique chez de nombreux cinéastes coréens, du moins à ce que j'ai pu en voir avec le temps. C'est l'un des gros bémol que j'ai tendance à souligner les concernant.
Alors celui-là il fait vraiment partie de ceux que j'ai le plus envie de voir... et il faut encore que j'attende début décembre, tout en espérant qu'un ciné décide de le diffuser. pfff
J'ai arrêté de compter les films Coréens qui traite de violence (Memories of Murders et The Chaser pour ne citer que les plus connus) et Breathless vient rallonger la liste. Honnêtement ils se ressemblent un peu tous pour moi. Ça ne me dérange pas tant que ça étant donné que j'aime bien le genre mais je trouve quand même que ça manque cruellement d'originalité à la longue. Ils ont tous la même ambiance, le même rythme, les policiers y tiennent toujours un de ces rôles (on les plains presque). On dirait une caricature. Je ne sais pas si c'est parce que c'est vraiment comme ça en Corée ou si c'est simplement un manque d'originalité...j'irais bien faire un tour dans les bas fond de Séoul rien que pour voir à quel point c'est fidèle.
Pour Breathless j'en garde un assez bon souvenir. Un deuxième visionnage n'est pas une mauvaise idée... Je suis d'accords avec l'ensemble de la critique, c'est vrai que la violence gratuite fini par lasser. Mais avec ce film Yang Ik Joon a dit qu'il souhaitait dénoncer la violence qui est apparemment quotidienne dans son pays (il l'aurai vécu, notamment avec son père). La rendre routinière est peut-être volontaire, pour insister sur le fais qu'elle est omniprésente.
Une bonne réussite pour un premier film en tout cas! :)
Carrément d'accord avec toi Marine^^. Breathless reste un bon premier film réussi. Il faut vraiment que je me le revois une seconde fois d'ailleurs pour entrevoir toute la dimension qui m'a parfois échappé. Mais il n'empêche que bon, la justification de l'auteur sur la violence, je veux bien mais y a des fois je trouve cela un peu facile. En gros c'est comme le truc qui dit guérir le mal par le mal ici pourrait se traduire montrer la violence par la violence. Je pense toute de même qu'on peut-être subtile aussi à ce niveau là. Le cinéaste a fait le choix de la montrer cruement et avec insistance... question de point de vue.
Ce qui me fait penser tout comme toi :
>je trouve quand même que ça manque cruellement d'originalité à la longue. Ils ont tous la même ambiance, le même rythme, les policiers y tiennent toujours un de ces rôles (on les plains presque).
Faudrait aller voir là-bas en effet ;) juste pour se faire une idée. Mais le cinéma coréen devrait tenter par moment de se réinventer. Ils ont trouvés une formule qui marche et depuis ils exploitent jusqu'à plus soif. Dommage.
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