Premier long-métrage qui fut présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2009, Karaoke (2009) du cinéaste malais Chris Chong Chan Fui (séance en présence du réalisateur, vidéo au bas de cet article) est une œuvre sur le retour au pays natal.
Betik revient dans son village natal en Malaisie. Il y retrouve sa mère qui tient le karaoké depuis la mort de son père. Un établissement qu’elle souhaite vendre. Il y retrouve aussi un amour, une région, un passé. Tout en aidant sa mère au karaoké le soir, Betik travaille sur la réalisation de clip vidéo pour karaoké le jour…
Karaoke est une visite guidée, celle d’un individu qui retrouve un village qu’il avait abandonné. Un village qu’il ne reconnaît plus, un village que les années ont changé. Betik semble être un spectre qui revisite un passé qui n’est plus. Il erre tel un corps flottant d’un lieu à l’autre, découvre une faune, une agitation qu’il ne savait plus. Il se perd dans les méandres du changement, celui qui rouille les vieilles machines de son père dont le souvenir reste ainsi que les méandres relationnels. D’une part, une mère qui veut vendre un lieu qui rattache Betik à une identité propre sans prendre son avis en considération. D’autre part, une jeune femme dont on comprend qu’il partageait une relation privilégiée (un amour ?) mais que son départ a changé. Son retour est une désillusion qui se fait échos dans les paroles des chansons qui défilent sur les vidéos clips de karaoké. Betik devient alors un étranger pour les personnes qui l’entourent, seul avec lui-même, seul avec un passé disparu et un futur incertain.
En l’espace de 67 minutes, Karaoke parvient à nous plonger dans un univers à la fois éthéré quasi fantasmagorique et une réalité pessimiste. Plastiquement, Chris Chong Chan Fui met en scène une œuvre belle et réussie où son personnage principal nous guide dans une région qu’il redécouvre après l’avoir quitté quelques années plus tôt. Tout y est affaire de contraste. L’établissement de karaoké qui s’apparente à un boui-boui tranche avec les jolis paysages des vidéos clip de karaoké diffusés sur le petit téléviseur. Des vidéos clip idylliques qui contrastent eux-mêmes souvent avec des paroles de chansons tristes lesquelles résonnent dans ce personnage principal qu’est Betik. On passe d’une forêt de palmiers paisible et reposante à une usine qui vit de cette industrie. Une usine où le brouhaha nous envahit de part en part comme un retour à une réalité actuelle. Une usine qui permet au village de vivre, économiquement parlant, alors que le karaoké familiale est voué à disparaître.
Chris Chong Chan Fui signe avec Karaoke un bonne première œuvre qui n’est pas exempt de défauts, mais cela reste mineur au vu de son œuvre profondément atmosphérique qui sait nous emporter dans un univers singulier. Chris Chong Chan Fui qui faisait déjà preuve d’une grande qualité de travail et d’inventivité sur son court-métrage : Block B (2008) est d’ores et déjà un cinéaste à suivre.
La projection fut suivie d'une discussion avec le réalisateur Chris Chong Chan Fui qui s'est volontiers prêter au jeu des questions/réponses :
> Rediffusion le lundi 15 février à 20h - cinéma 2
I.D.
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