Ai-je découvert le second coup de cœur de ce festival ? Assurément ! Le premier long métrage de la réalisatrice thaïlandaise Anocha Suwichakornpong, Mundane History est une révélation. Je partais dans l’espoir de découvrir un film juste agréable et je suis tombée nez à nez avec un long métrage puissant et atypique.
Ake est un jeune homme qui vit dans le mutisme des suites d’un accident de voiture. Paralysé il passe ses journées cloîtrer dans sa chambre avec pour seul compagnon son infirmier.
Mundane History c’est d’abord la confrontation entre le corps et l’esprit. Un esprit torturé par l’impuissance et la frustration. Ake est cet ensemble faisant coexister la rage intérieure à l’apparente enveloppe d’un corps saint. Mais ceci n’est qu’illusion, le jeune homme le sait. Ce qu’il veut secrètement, c’est se prouver que son corps est toujours vivant, que cette chaire, ses sens demeurent en éveil. Alors quand vient la tempête, Ake laisse la pluie battre sur son visage et gorger les pores de sa peau d’une eau nourricière et libératrice. Nier son mal être lui est impossible, retrouver des sensations vitales ne l’est pas. La nature vient frapper le jeune homme pour lui présenter un miroir obscur et optimiste. Obscur car il rappelle une liberté perdue, optimiste car il appelle à la vie.
L’incommunicabilité est au cœur de ce long métrage. Père et fils (Ake) ne se parlent, ne se croisent, ni se regardent. L’entourage du jeune homme ne se résume qu’à une personne : son infirmier. La seule personne à laquelle il accepte de parler, comme s’il était plus facile de se livrer à un inconnu plutôt qu’à un être familier. Comme s’il était plus facile pour lui d’avancer en s’isolant d’un passé trop lourd appelant sa continuelle frustration. Pour Ake c’est certain, le regard neuf d’un inconnu l’aide à se libérer de ses envies comme de ses craintes.
Il réside dans Mundane History une personnalité forte émanant d’une idée de déconstruction. Il n’y a pas de linéarité dans ce film, mais du sens, une profondeur. Les scènes semblent endosser chacune un rôle propre. Par cet intermédiaire, la cinéaste parvient à créer une dimension particulière articulée autour du rêve, du fantastique, de l’angoisse et de la réalité. Ce montage soigné suit finalement l’état intérieur du jeune homme pris entre l’espoir et le désespoir. La métaphore va alors au-delà même des images, elle émane directement d’une structure qui parvient à retranscrire par sa seule présence le flottement d’un mal être permanent.
Mundane History m’a touché profondément. J’ai trouvé une beauté singulière dans chacun des plans, j’ai ressenti une émotion forte dans la pudeur des dialogues, j’ai aimé ce mélange de délicatesse et de brutalité. Je me suis laissée envahir par une atmosphère sonore vigoureuse, remplie de sens : l’oppression, l’évasion, la soif de liberté. Finalement, Ake n’est qu’un prétexte, on le comprend. Il est l’individu qui permet d’articuler le long métrage dans une grande métaphore de l’existence humaine. Comme la supernova, la vie se pare parfois d’un magnifique et bel éclat… pour s’éteindre ensuite à petit feu ou brutalement.
Diana
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