dimanche 21 octobre 2012

Et 2001, l'Odyssée de l'espace fut...

dimanche 21 octobre 2012

Cambodge, 2011.
J’étais là, regardant sur ma gauche, sur ma droite, une rue devant moi, dans les nouveaux quartiers de Phnom Penh alors qu’ailleurs les projets immobiliers étaient à l’arrêt. Il faisait beau et chaud, euphémisme. J’attendais là tandis que des personnes autour de moi s’activaient à préparer un mariage (pas le mien, désolé maman) parti pour durer deux jours (trois étaient prévus, deux c’est bien aussi).

J’étais là à regarder les cuistots sur ma gauche s’atteler à leurs tâches, sur ma droite et devant moi les petites mains qui installaient le décor de fête alors que je pensais à... J’imaginais à ces clients attablés dans ce restaurant au bord du Tonlé Sap dans lequel j’avais mangé la veille. C’était bon. J’avais faim. J’avais pourtant petit déjeuner (preuve à l’appui). Et puis sok-saov, caché derrière ses lunettes de soleil m’interpella en affichant son sourire qui montrait ses dents. Un mec sympa ce sok-saov avec ses tatouages, son or porté, son talkie-walkie constamment porté à la ceinture (?). Ah oui, sok-saov, c’est la belle (belle)-famille. Comment définir nos liens… ? Une espèce de bel oncle éloigné. On peut dire ça. Sok-saov n’est pas son vrai prénom, cela va de soi. D’ailleurs, je ne connais pas sa véritable identité, juste son surnom « sok-saov » qu’on traduirait en langue de Molière par « vendredi-samedi ». Où en étais-je ? Oui. Vendredi-samedi m’interpella. Minute. Je préfère la version originale, pas vous ? Sok-saov me fit donc un signe de la tête qui m’invitait à le suivre. Il me faisait un peu peur. Il avait un côté louche… et puis pourquoi pas. J’emboîta le pas alors qu’un autre bel oncle, Peng (plus facile à prononcer) m’interpella à son tour pour me demander en version anglaise où j’allais ? Moi baragouinant que je suivais sok-saov. Je vis alors dans les yeux de Peng de l’appréhension. J’ai bloqué sur le coup (véridique) tandis que je me tournais vers sok-saov. J’essayais de comprendre la signification de ce regard craintif alors même que je marchais côte à côte avec sok-saov. Je sentais le regard de Peng dans mon dos et imaginais le passif que pouvait avoir un homme comme sok-saov (un homme aussi… louche). 
 
 
Nous arrivâmes devant la route qui longeait les immeubles où je logeais. Le chaos routier n’avait pas changé depuis hier soir, rassurant (en fait, pas vraiment). Nous traversâmes la route tout en évitant les véhicules qui allaient dans un sens et venaient dans l’autre. A ma grande surprise, j’arriva en chair et en os de l’autre côté de la route, planté devant un établissement servant du café. Je remarqua une vitrine avec des paquets de nectar, cool. Sok-saov me fit un signe de la tête vers l’une des tables qui se trouvait entre l’intérieur de l’établissement (au fond duquel une télévision diffusait des clips de karaoké, le son à fond) et l’extérieur (entendez par là, la terrasse). Nous nous installâmes donc dans cet entre-deux où se trouvait également une télévision arrêtée sur une chaine américaine, un générique de fin de film défilait. Sok-saov passa commande (kaa fey toek dah ko !) auprès d’une jeune serveuse qui hocha de la tête sans que je comprenne un seul mot sorti de sa bouche. Il y avait une vingtaine de personnes qui étaient assis de façon dispatchée. Ca discutait en groupe, ici. Ca lisait un journal papier en solo, là. La serveuse arriva avec deux cafés au lait glacé. Yeah ! Vous voulez que je vous dise ? Il est cool ce sok-saov. Il existe une barrière de la langue entre lui et moi mais on parvient tout de même à se comprendre. Et sur ce coup, il a eu du pif le sok-saov. J’adore le café au lait glacé. Je ne bois que ça (ou presque). J’étais donc pleinement satisfait et un film de Stanley Kubrick se jouait à la télévision à ce moment-là. Cool ! C’était 2001, l'Odyssée de l'espace. Je sirotais mon café au lait glacé sans porter plus d’attention au film du cinéaste états-uniens que j’avais découvert adolescent lors des fêtes de fin d’année (si ma mémoire est bonne). J’échangeais des appréciations (surtout faciaux) avec sok-saov. Je regardais au loin les clips diffusés sur l’autre télé puis mon regard s’arrêta sur cette scène autour du point d’eau (la scène de l’attaque à l’os que j’apprécie tout particulièrement). Je fixais mon regard sur l’australopithèque à l’os qui donna le premier coup et le second qui firent réagir quelques cambodgiens attablés autour de leur café. Je balaya amusé les personnes autour de moi avant de fixer à nouveau mon regard sur l’écran de télévision. L’australopithèque à l’os revint à la charge pour s’acharner. Ce passage fit pousser un cri de stupéfaction à la majorité des cambodgiens présents sur la terrasse de l’établissement. Alors que le second australopithèque s’acharnait à son tour, j’observais les visages ébahis par les images qui défilaient alors. Il s’y lisait une fascination collective (avec ses yeux qui brillent) qui se renforça encore avec la fameuse ellipse…

Et 2001, l'Odyssée de l'espace fut… au Cambodge et encore mieux qu’au cinéma.
I.D.

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