Dans le panorama du cinéma sud-coréen tel qu’on le connait dans nos contrées, il est rare de découvrir un cinéma underground sortant du carcan des films commerciaux. Un cinéma expérimental se détachant de toute contrainte mercantile et apportant une fraîcheur peu commune dans une industrie sclérosé par des « recettes américanisées ».
Pourtant, un nom (si peu connu qu’il soit) s’est inscrit au début des années 2000 comme un artisan de ce cinéma expérimentale : Nam Ki-woong. Avec Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl (2002) également connu sous le titre Bride Wooryung, le cinéaste nous invite dans un premier long-métrage lorgnant dans le fantastique absurde.
Inspiré d’une ancienne légende asiatique, Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl met en scène dans un cercle fermé le destin de plusieurs trajectoires individuelles. Une vieille veuve veut récupérer la bague de son mari subtilisé par un ancien gangster devenu depuis un homme politique élu. Ce dernier a offert la fameuse bague à une femme qu’il a aimé trente ans plus tôt. Cette dernière est la tante d’un jeune homme obsédé par l’acteur hongkongais Chow Yun-Fat. En attendant de devenir comme son idole, Gun-tae travaille dans une boutique qui confectionne des jouets qui cache en réalité la confection de vraie arme à feu (boutique où se fournisse notamment divers tueurs). Son patron est accessoirement un proche de la vieille veuve… Ces trajectoires vont alors se réunir pour former un cercle autour de cette bague, objet obscur du « désir », quasi fétichiste. Un cercle qui lèvera le voile sur une vérité qui attend d’éclater depuis des années. Au milieu de ce cercle, un bocal récupéré par Gun-tae dans lequel il a déposé des escargots et voit apparaître une jeune femme qui fait le ménage dans son taudis en lui préparant également un repas…
Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl désarçonne par son aspect déjanté, surréaliste et joyeusement foutraque. L’univers original et cocasse amuse par son aspect décalé. La mise en scène sans fioriture étincelle par ces images travaillées qui retranscrivent une ambiance singulière. Les couleurs y sont saturées avec des contrastes poussés, offrant un délire visuel dans des décors minimalistes le plus souvent en huit clos. Des décors bariolés emprunt d’un kitsch outrancier jamais bien loin d’un cinéma allemand expressionniste dans ces effusions fantastiques. Si l’histoire se veut simpliste, il est intéressant de voir les liens qui unissent ces personnages jusqu’au dénouement final, théâtrale, qui éclate de manière sec, sans excès à l’opposé de la surenchère des gunfight d’un Chow Yun-Fat. Le seule teinte « réaliste » dans un film au patchwork démesurément « irréaliste ». Au casting, si les acteurs et actrices sont peu connus pour la grande majorité, on y découvre des prestations juste. On retiendra tout de même l’actrice Choi Seon-ja, la vieille veuve habituée des rôles pour le petit écran mais aussi et surtout le prolifique Ki Joo-bong qui interprète ici le politicien véreux, ancien gangster. Il a joué dans de nombreux Hong Sang-soo (Night and Day, Ha Ha Ha, The Day He Arrives), Park Chan-wook (JSA, Sympathy for Mr Vengeance) ou pour des titres comme The Quiet Family, Public Enemy ou encore Save The Green Planet sans oublier Crying Fist.
Si Chow Yun-Fat Boy Meets Brownie Girl est un film imparfait accusant de faux rythmes récurrents (un moyen métrage aurait été sans doute plus judicieux), il dénote d’un talent sûr et d’une imagination généreuse chez l’auteur (que l’on avait pu remarquer dans Teenage Hooker). Un auteur qui tranche sévèrement dans l’industrie cinématographique sud-coréenne (depuis nous avons pu découvrir également le travail des frères Kim). Un bol d’air qui intéresse et interroge notamment sur son devenir et sa légitimité d’artiste à part entière (quoiqu’en lisant des avis sur son dernier film, Temptation of Eve plus mainstream Nam Ki-woong semble être rentré dans les rangs, espérons que non).
I.D.
Ce long-métrage est à découvrir dans le DVD édité par Spectrums Films dans lequel figure la BA, le moyen-métrage Teenage Hooker became a Killing Machine in Daehakroh, le court-métrage Kangchul ainsi qu’une interview de Nam Ki-woong.
4 commentaires:
Un film qui a l'air aussi foutraque, soit je déteste soit j'adore je pense. Mais déjà s'il y a Kim Joo-Bong dedans, ça fait un bon point ^_^
Un bon point c'est clair. ;) Surtout qu'on le voit pas mal Kim Joo-bong et il a une caractéristique physique qu'on pourrait qualifier de singulière dedans. :)
Ce film me fait beaucoup penser aux comédies déjantées qui nous viennent du Japon. Foutu faux rythme quand même ! N'empêche ce long-métrage reste malgré tout l'un de ses films les plus accessible. Pas mon préféré. Les avis des autres suivront bientôt.
Le film est sympa, mais à mon avis bien en dessous de Teenage Hooker. Teenage Hooker ce fut un belle grosse claque, et ça reste un de mes films coréens préférés.
(après c'est possible que j'en attendais trop, vu que ça faisait des années que je bavais dessus sans pouvoir le voir)
Effectivement bien en dessous de "Teenage Hooker" que j'avais vu il y a 3-4 ans en VO. Du coup avec le DVD, c'était la bonne surprise de l'y voir en bonus et avec des ss-titres. Joie ! Je l'ai donc revu et même s'il y a des défauts c'est quand même franchement pas mal. Y a des idées, du travail picturale et j'en passe.
La découverte c'est aussi son court-métrage "Kangchul", intéressant sur plusieurs points. Bien qu'il ne soit pas facile à appréhender.
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