lundi 19 décembre 2011

Tatouage : Le goût du sang

lundi 19 décembre 2011

Drame du cinéaste japonais Yasuzo Masumura, Tatouage/Irezumi (1966) est une oeuvre qui relate la condition de la femme japonaise. Le cinéaste est notamment connu pour avoir été l’élève de cinéaste majeurs comme Kenji Mizogushi, Kon Ichikawa ou bien encore Kozaburo Yoshimura.

Otsuya vit une passion secrète avec Shinsuke, l’employé de son père. Un soir, le couple s’enfuit et trouve refuge chez un aubergiste, Gonji, qui se débarrasse de l’amant d’Otsuya et la vend au tenancier d’une maison de geisha. Un tatoueur éblouit par la beauté d’Otsuya décide de lui tatouer de force une araignée sur le dos. Dès lors, elle est l’objet d’une renommée grandissante jusqu’au jour où Shinsuke réapparaît…

C’est pour la Daiei que Masumura met en scène Tatouage sur un scénario de Kaneto Shindo, scénariste hors pair à qui l’on doit la réalisation de l’œuvre magnifique qu’est L’Île nue (1960). Durant cette période Masumura enchaîne les films à un rythme effréné en tournant le dos au lyrisme et louant tous les excès en dépeignant les désirs et passions. Aussi, il développe une méthode de montage qui rend ses œuvres plus dynamiques et qui tranche avec le rythme classique d’un Ozu. Il s’adjoint dans le rôle principal les services de l’actrice Ayako Wakao dont les collaborations fructueuses furent également source de conflit entre eux.
Dans Tatouage, Masumura dépeint le pouvoir des femmes. Otsuya est le symbole même de ces femmes enfermées dans leur condition et qui s’en échappe par le biais d’un amant un peu lâche et faible qu’elle manipule à bon escient. Le destin condamnera Otsuya à nouveau. Elle a fuit une condition pour s’enfermer dans une nouvelle, celle de la femme objet. Devenue geisha contre son gré comme son tatouage dont on l’affuble, elle n’aura de cesse de nourrir une haine féroce contre la gent masculine et de faire payer aux hommes une situation dans laquelle elle se complait de plus en plus : être désirée et jouée avec les sentiments des hommes tombés sous son charme.
Plus Tatouage s’écoule et plus le sang coule. Masumura rend le sang indissociable du sexe, mélangeant les deux dans une foire enivrée. Otsuya, vile et manipulatrice s’enfonce alors avec la complicité de son amant retrouvé dans un marais du crime. Elle prend comme prétexte ce tatouage d’araignée comme le symbole de son comportement. Elle se trouve des excuses à travers ce tatouage alors qu’il n’est que le reflet de sa véritable personnalité. Une personnalité que le maître tatoueur a mis au grand jour, le seul à voir son jeu. Ce dernier cessera d’ailleurs de tatouer une fois qu’il prendra conscience de son acte en se rendant responsable des meurtres qui s’amoncellent à mesure que l’araignée frappe.

Yasuzo Masumura réalise avec Tatouage un film magnifique sur une femme voulant prendre son destin en main, campée par l’actrice Ayako Wakao, d’une beauté empreint d’un érotisme froid et fascinant. Il ponctuera l’œuvre par une scène des plus orgiaque qu’il soit où l’araignée continue à nourrir les hommes, même morte. Une araignée qui passera à la postérité.

I.D.

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