vendredi 5 mars 2010

Cycle Singapour, Malaisie : Le cinéma ! : LE BILAN

vendredi 5 mars 2010

Après deux mois et demie de projections, le Cycle Singapour, Malaisie : le cinéma ! s’est clôturé lundi 1er mars. Alors que retenir de cette longue immersion dans un cinéma lointain, méconnue du grand public ? Singapour, Malaisie, deux terres prometteuses que le 7ème art aurait oubliées ? Retour sur les œuvres marquantes qui ont envoutées ce cycle et les quelques déceptions.

[SHAW BROTHERS (MALAY FILM PRODUCTIONS) & CATHAY KERIS]
Que garderons-nous du vieux cinéma malais, un patrimoine cinématographique définit en 15 longs-métrages durant ce cycle ? Deux studios en furent les investigateurs les plus emblématiques. La Malay Film Productions des Shaw Brothers mais aussi la Cathay Keris de Loke Wan Tho qui compte à elle deux plus de 300 films malais produits en trente ans. Avec franchise, ces 15 films ne furent pas le panache d’un enthousiasme débordant. Un enthousiasme qui s’est éteint à mesure que les films étaient projetés. Mais force est de constater qu’en 15 films, nous sommes devenus familiers d’acteurs et d’actrices, de réalisateurs et de folklore malais. Pourtant sur cet ensemble, seulement une poignée de films restent en mémoire à l’image de Lion City (1960) de Yi Sui, un film simple mais se révélant comme l’une des premières productions en chinois à Singapour. Le tireur de pousse-pousse (1955) de Penarek Becha avec P. Ramlee dans l’un des rôles principaux. Ce dernier étant le metteur en scène de deux films sortant du lot par le choc qu’ils suscitent : Ma Belle-mère (1962) et Turbulence (1970), deux films emprunt d’une noirceur sans borne laquelle éclate dans un dénouement nourrit au pessimisme obscur et au fatalisme sans équivoque.

Malheureusement, à part ces exceptions, ce cinéma se caractérise par un esprit conservateur, conventionnel souvent caricatural et ne jouissant aucunement d’inventivité. Et les quelques scènes audacieuses dispatchées ici et là ne parviendront pas à sauver des films qui souffrent de faux rythmes, de lacunes scénaristiques lorsque ce n’est pas d’un aspect moraliste. Les Voisins du village (1965) de Hussain Haniff, en est un bel exemple, l’audace du viol incarné par un religieux et voisin de sa victime, une jeune femme en âge d’être sa fille ne sauvera pas un métrage qu’on pourrait qualifier de moyen. Restera alors un homme, l’incarnation de cette époque : P. Ramlee. L’homme aux multiples facettes à la fois chanteur, acteur et réalisateur. On peut comprendre aisément pourquoi, encore aujourd’hui, il est apprécié d’une bonne partie des siens. Ainsi donc, désormais les P. Ramlee, Maria Menado, les monstres folkloriques ou bien encore la Cathay Keris ne seront plus inconnus à nos yeux. Le grand regret c’est que ce cinéma n’aura pas éveillé l’excitation que laisse certaines vieilles œuvres de cinéma. L’excitation de la découverte qui s’est révélée dans un cinéma qui nous est plus « contemporain ».

[MALAISIE, UNE NOUVELLE VAGUE EN NUMERIQUE]
La nouvelle vague du cinéma Malaisien s’est montré persuasive et nous a montré un panorama riche et talentueux. Un constat réalisé à travers 20 films, du documentaire au film expérimental en passant par la fiction, ancrés dans une réalité Malaisienne.

Ce mouvement s’inscrit tout abord dans une veine auteurisante, avec des acteurs incontournables du cinéma Malaisien : James Lee, Amir Muhammad, Tan Chui Mui et Liew Seng Tat, réunis sous la société de production Da Huang Pictures. Un groupe de réalisateurs actifs, tentant de faire vivre leur activité par des moyens réduits. D’autres noms s’inscrivent dans cette nouvelle vague : Ho Yuhang, Eng Yow Khoo, Deepak Kumaran Menon, Azharr Rudin, Chris Chong Chan Fui, Woo Ming Jin. Des noms liés aussi avec ceux de la Da Huang Picture. Ces jeunes réalisateurs se réunissant régulièrement autour de projets communs. On ne s’étonnera alors pas de voir cette flopée de noms dans bons nombres de génériques de films Malaisiens.

Alors on retiendra plusieurs œuvres et combats marquants, comme celui de l’incisif Amir Muhammad. Un cinéaste qui fait parler sa vision d’une terre complexe et d’une société lourd d’un passé (et d’un présent) obscure à travers le format documentaire (The Big Durian (2003), Malaysian Gods (2009)), jouant d’un style satirique et subversif. Tandis que son acolyte Yeo Joon Han, usera d’une fiction haute en couleur et critique sur une société Malaisienne consumériste avide de pouvoir : Sell Out ! (2008). Le regard lucide d’une société, on le retrouve comme un fil conducteur dans chacun de ces longs métrages Malaisiens. Des interrogations, un constat nécessaire pour faire avancer cette nouvelle vague, qui parviendra à se réunir autour d’un projet remarquable ; celui de dessiner une carte de visite de la Malaisie à travers un collectif de 15 courts métrages : 15Malaysia. On en a déjà beaucoup parlé sur Made in Asie, et on continuera, parce que ce collectif est majeur et nécessaire pour comprendre les enjeux d’un pays comme la Malaisie et ceux de ces cinéastes engagés.

Le cinéma Malaisien c’est aussi la rencontre avec une fabuleuse cinéaste : Yasmin Ahmad. Une femme pleine de vie et d’optimiste qui a su poser son emprunte dans des films soignés, intimes et intemporels. L’œuvre de Yasmin Ahmad c’est le personnage clé d’Orked, l’Antoine Doinel de François Truffaut. Une jeune femme que l’on suit dans quatre de ces longs métrages à différents stades de sa vie. Un récit autobiographique marqué par le vécu de la réalisatrice. On ne plébiscitera jamais assez ce talent dont les trois œuvres Sepet (2004), Gubra (2005) et Mukhsin (2006) ont littéralement illuminé cet évènement.

Ces films ont aussi révélés des visages incontournables, des actrices talentueuses sous les traits de Sharifah Amani, Adibah Noor (les Yasmin Ahmad, 15MALAYSISA), Ida Nerina (Sepet, Gubra, 15MALAYSIA) et Mislina Mustapha (Flower in the Pocket, Karaoké)

[SINGAPOUR, EN DIX-SEPT FILMS]
On ne présente plus Eric Khoo dont quatre longs-métrages étaient projetés. Mee Pok Man (1995) et 12 Storeys (1997) ses premiers films dénotaient déjà d’un univers singulier et d’un style que l’auteur peaufinera dans le très beau Be with me (2006) et l’émouvant My Magic (2008). Au-delà d’Eric Khoo et de son talent qui n’est plus à prouver, au-delà de son rôle de porte drapeau d’un cinéma singapourien encore trop méconnu ou reconnu sur son seul nom, une sélection en tout et pour tout de 17 films. Une sélection qui n’aura pas jouit du même intérêt que la sélection de la jeune génération malaisienne (véritable fil conducteur du cycle). Ici, une sélection moins audacieuse de film épars, ponctuel qui ne s’inscrit pas dans un mouvement distinct. Mais une sélection bien hétéroclite qui révèle des films importants pour la ville-état qu’est Singapour. On notera les comédies Army Daze (1996) et Forever Fever (1998), de là à ce qu’elles soient marquantes…, les drames Eating Air (1999) et 15 (2003), deux longs-métrages d’un intérêt saisissant sur une jeunesse sans repère et désenchantée. Mais aussi, Perth (2004), une expérience à part entière, une œuvre qui vous prend par les tripes par le vague à l’âme qui s’en dégage et son côté à fleur de peau auto-destructeur.

Autre qu’Eric Khoo, des cinéastes interpelleront dans leur projet futur : Kelvin Tong, Roystan Tan, Djinn ou bien encore Ho Tzu Nyen avec l’énigmatique Here (2009). Pourtant la question se pose. Outre Ho Tzu Nyen ou Sherman Ong (avec ici deux films décevants) où se trouvait la force vive du jeune cinéma indépendant singapourien dans ce cycle ? Une jeune génération là-bas attend d’être découverte à son tour ici. Un jour peut-être. A bon entendeur. Resteront aussi trois acteurs pour leur charisme, leur gueule, ce petit quelque chose qui les rend si différents des autres et fascinants : Adrian Pang, Kay Tong Lim et Sunny Pang.

Dorénavant, c’est un œil vif qui se posera sur l’actualité cinématographique de Malaisie et de Singapour. Un œil alerte sur deux destinations qui rempliront un carnet de voyage bien singulier de la cinématographie mondiale.

Alors merci au centre Pompidou d’avoir eu l’audace de proposer un cycle original, au-delà des clivages entre le cinéma connu et celui de l’ombre, dont les distributeurs ne daignent s’intéresser.

Soyons francs, quelques points seraient néanmoins à soulever. Tout d’abord une communication peu transparente sur l’annulation des interventions de certains réalisateurs, que l’on a souvent appris à la dernière minute. Et de façon globale, une communication qui semblait timide face à l’envergure d’un tel évènement. Aussi, on regrettera des résumés erronés, loin de la réalité, malgré un livret bien conçu.

Pour finir et parce certaines figures du cycle Singapour, Malaisie nous ont particulièrement marquées, nous saluerons la souriante jeune femme aux lunettes noires du guichet « Cinéma », et Emilie Imbert, l’attachée de presse du cycle, qui a été d’une infime gentillesse et disponibilité.

Diana & I.D

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