Le stakhanoviste Khavn de la Cruz nous revient avec une nouvelle œuvre. Durant soixante quinze minutes, le cinéaste philippin nous plonge dans le grotesque et le macabre d’un bidonville avec Mondomanila (Or how I fixed my hair after a rather long journey) (2011), une œuvre « expérimentale » irrévérencieuse que l’on peut ranger avec les autres titres qui composent sa filmographie « punk ».
Tony D. est un adolescent qui vit dans un bidonville de Manille avec sa mère et son petit frère qui se prostitue occasionnellement. Il survit tant bien que mal, épaulé de ses acolytes d’infortune aux personnalités diverses…
La touche de Khavn de la Cruz on la retrouve belle et bien dans ce Mondomanila. Cette touche si outrancière qui caractérise tant son travail. Mondomanila pourrait être le condensé de sa folie filmique. Mondomanila pourrait être la rencontre dans un fracas assourdissant de son œuvre Squatterpunk (2007) avec ses jeunes que l’on voyait (sur)vivre à l’écran et cette famille à la dérive qui brutalisait les Philippines dans The Family That Eats Soil (2005). C’est bien de la jeunesse dont on parle ici mais aussi de la famille. En toile de fond, les Philippines et ses taudis aux âmes errantes et abandonnées. Les images qui ouvrent ce long-métrage sont celles des inondations que le pays a connues. Des images désespérées d’une situation ponctuelle faisant écho aux raz-de-marée perpétuels que connaissent les bidonvilles de Manille. Le réalisateur philippin annonce la couleur et apporte un aspect parfois « léger » si l’on peut écrire la chose ainsi, un sarcasme décontenançant.
Un générique fait de dessin déjanté voire vulgaire et hop, Khavn de la Cruz nous entraine dans le triste cirque de Mondomanila. Un clochard en mode « Oncle Sam » dépouillé et édenté y tient le rôle de maître de cérémonie. On découvre dès lors le monde de Tony D., enfant terrible qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui n’a connu que la désolation des habitations de fortune qui l’entourent. A travers lui, c’est le portrait d’une bande qui se révèle à nous. On y fait la connaissance de personnages haut en couleur, des freaks évoluant entre prostitution (infantile) et consommation de drogue (meth). Des individualités qui prennent essence dans le groupe, cette sous-société perdue dans les eaux polluées de la pauvreté. On assiste à un clip musical grandeur nature oscillant entre rock, punk et rap. Un univers dans lequel les enfants jouent dans les montagnes d’immondices, terrain de jeu miséreux au dessein sombre.Khavn de la Cruz ne nous épargne rien avec Mondomanila. Dans les profondeurs d’un monde effrayant, il affine sa verve filmique trash en adaptant le roman de Norman Wilwayco. Des écrits qui semblent avoir été rédigés pour lui. Il y alterne couleur et Noir & Blanc. Il y traite l’image pour rendre ce spectacle désillusionné parfois irréel jusqu’à ce que les images, elles bien réelles de la destruction du bidonville et des affrontements ne finissent de nous achever.
I.D.
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