Avec le film policier « réaliste » The System (1979), Peter Yung Wai-Chuen a souvent été perçu comme celui qui lança la Nouvelle Vague hongkongaise. Année charnière d’un mouvement qui allait marquer de son emprunte, 1979 vit des œuvres aussi diverses que celles de The Secret d’Ann Hui On-Wah, Butterfly Murders de Tsui Hark et Cops and Robbers d’Alex Cheung Kwok-Ming. En pleine ébullition, cette industrie du cinéma jusqu’alors sclérosée voyait une audace filmique qui tranchait avec les œuvres existantes. The System offrait au public un film policier qui adoptait un style proche du documentaire dans lequel la Brigade Anti-corruption tentait d’éradiquer le trafic de drogue.
L’inspecteur Chan (Pai Ying) tente de mettre fin aux agissements d’un gros réseau de trafiquant de drogue. Pour se faire, il achète les services de Tam (Sek Kin), un maillon de la chaine qu’il emploie alors comme indicateur. Pourtant lors d’une réception de marchandise, l’inspecteur Chan se fait doubler par la Brigade anti-criminalité. Il soupçonne très vite des fuites dans les hautes strates de la police…
Premier film de Peter Yung qu’il s’est auto-financé, The System adopte un style documentaire pour parler du travail de la police mais aussi de l’univers malfamé des criminels et en particulier des trafiquants de drogue. Il y développe une minutie dans ses descriptions, sans doute hérité des travaux accomplis dans les films documentaires où il officia notamment comme assistant producteur. L’un de ces documentaires qui l’incita, on l’imagine à mettre en scène The System est celui d’Adrian Cowell, White Powder Opera sur la drogue. Il approcha à cette occasion des drogués des quartiers ouest de Hong Kong. The System transpire alors cette façon de travailler au plus près son sujet. Si l’histoire est somme toute « banale », voir le jeu du chat et la souris entre policier et trafiquants de drogue, c’est la dimension qui est apportée à l’ensemble qui détone. Peter Yung peaufine chaque détail pour nous faire entrer de plein pied dans cette investigation grandeur nature. Il prend pour décor les rues de Hong Kong. Nous sommes au plus proche de ces policiers qui filent leurs « cibles ». Nous prenons conscience des enjeux mais aussi de l’organisation même d’un réseau criminel. L’immersion ressentie est totale d’autant que l’ambiance sonore est captée en directe. Nous sommes dans le feu de l’action. La caméra de Peter Yung devient alors plus qu’un œil « témoin ». Elle est un personnage à part entière qui nous entraine dans les méandres d’une guerre sans nom.
Le constat que révèle The System est la dure tâche de faire son métier. L’inspecteur Chan totalement dévoué à la cause qu’il défend est désabusée par une hiérarchie qui a des choses à se cacher ainsi que des criminels totalement désinvoltes face à la situation. Toutefois, c’est coûte que coûte qu’il insiste dans sa tâche quotidienne, celle de stopper la circulation et la consommation de drogue. Pourtant, l’une des grandes ironies du film, c’est de ne jamais voir un trafiquant arrêté. Le cinéaste hongkongais souligne les disfonctionnements en interne. Il y montre la machine implacable qu’est la police, surtout il souligne la corruption qui gangrène cette institution et enraille de ce fait le travail à accomplir. L’inspecteur Chan devient alors un homme seul, désarmé face à sa mission bien qu’équipé du matériel dernier cri. Ce désespoir, l’acteur Pai Ying le communique à bon escient. Il casse tout jeu stéréotypé en livrant une prestation à fleur de peau. Le reste du casting nous offre également des performances en pleine adéquation avec le sujet. Tout est présent pour nous offrir une œuvre de cinéma bien ciselée. Une œuvre narrant aux prémices une histoire pleine d’espoir mais qui s’enlise dans un rapport de force hiérarchique et d’intérêt personnel plombant le bienfondé de l’action policière. The System se transforme alors en une spirale de la déchéance qui trouvera comme point d’orgue, un final d’une noirceur qui trouve peu de comparaison ailleurs.
Film qui a contribué à lancer la dynamique et à l’émergence de la Nouvelle Vague HK, The System est un docu-dramatique policier qui posait les bases d’une nouvelle façon de traiter un sujet de société. Il s’en dégageait un souffle nouveau par le biais d’une mise en scène dynamique et collant parfaitement à son récit. Peter Yung montrait ainsi qu’on pouvait faire des films autrement.
4 commentaires:
Merci pour ta critique. Je n'ai pas eu la chance d'être sur Paris pour voir ce film, et n'aurait pas l'occasion de la voir avant longtemps, à moins de prendre rdv à la hkfa. Mais ça m'a bien donné envie et c'est ce genre de perles que je recherche...
Lors de la projo', la salle était quasi pleine. Je me dis donc que les aficionados étaient au rendez-vous. Le film traine une jolie p'tite réput' d'autant plus qu'on le disait "perdu". Je le recherchais depuis un moment et lorsque j'ai vu qu'il était présent dans la prog'... joie !
J'espère le voir sortir en vidéo un jour, la hkfa est un peu loin pour moi. ;)
Grand regret de l'avoir raté sur grand écran :(
J'espère que j'aurai l'occasion de le revoir.
Sek Kin est extraordinaire dans ce film.
Pour moi, c'était le film a ne pas louper ! ;) On pourrait dire du film qu'il est quelconque mais lorsqu'on l'inscrit dans le panorama cinématographique HK, il a une sacrée importance. Et finalement, la qualité n'était pas si désagréable que ça. Je m'attendais à pire ! :)
Sek Kin livre une perf' qui donne à voir. Entre désespoir lorsqu'il se sent coincé par la police et jubilation lorsqu'il pense gérer les choses à sa façon. Je n'en écris pas plus. Il parvient à communiquer les différents sentiments qui l'habitent avec doigté. Globalement, les prestations sont bonnes.
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