mercredi 19 octobre 2011

Café Noir : Amer

mercredi 19 octobre 2011

198 minutes, couleur et Noir&Blanc se confondent. Goethe, Dostoïevski, Beethoven, Vivaldi… De l’hommage : Hong Sang-soo, Park Chan-wook, Kim Ki-duk... Un critique de cinéma derrière la caméra pour sa première œuvre mise en scène. Café Noir (2009) est signé par Jung Sung-il et s’inscrit dans une démarche conceptuelle.

Young-soo est un professeur de musique qui entretient une relation avec la mère d’une élève tout en sortant avec l’une de ses collègues, Mi-yeon. La première met un terme à leur relation sous les suspicions de son mari. Young-soo ne parvient à supporter cette rupture et fait bientôt la rencontre de Seon-hwa…


Où est l’émotion ? Pas dans Café Noir. Quoique parfois certains plans nous offrent une poésie sans borne. Que fait Jung Sung-il ? Il se branle. Beaucoup même. Il nous éjacule en pleine figure sa jolie verve jusqu’à l’excès. Jung Sung-il c’est un drôle de cinéaste. Un critique de cinéma cinéaste. Il fait revivre à lui tout seul la Nouvelle Vague française. Je la pensais morte celle-ci, d’un autre temps, bonne à survivre épisodiquement à la Cinémathèque française. Et bien non ! La Nouvelle Vague française n’est pas morte, elle se fait en Corée du Sud. Un homme du moins s’en fait la figure de proue : Jung Sung-il. Ce critique de cinéma cinéaste nous la joue comme François Truffaut et les Cahiers du Cinéma de l’époque avec sa touche propre. Quel type de cinéaste est donc ce critique de cinéma ? Il est un mixte improbable entre Jean-Luc Godard et un Manoel de Oliveira, un ersatz des deux du moins. Un non-cinéaste. On ne sait pas bien ce qu’il raconte avec Café Noir (quel titre pompeux après coup). Une histoire d’amour multiple, ça c’est sûr. Pour le reste… c’est vain. C’est… prétentieux. Creux. Ridicule. Ennuyeux. Sans âme. Sublime aussi. Hypnotisant. Il y a un attrait pour cette œuvre qui s’en dégage. On la perçoit monotone comme on la trouve excitante. Il y a cette réalisation si stricte qu’elle nous étouffe mais aussi cette mise en scène un peu folle se dégageant de tout carcan.
Café Noir, c’est une œuvre quelque peu dépressive. Lunatique serait le bon terme. A la fois joyeuse et triste, trop carrée et désinvolte. Café Noir déçoit. Qu’est-ce que c’est que ce type qui étale avec dédain toute sa culture ? Un critique de cinéma cinéaste pardi ! Il fait parler des gamines comme la plupart des adultes (je ne suis pas dans le « plupart », c’est un niveau trop haut pour moi d’où mon désarroi). Il montre des gamins qui ne s’amusent pas à une « Birthday Party ». Le statisme est roi. Lorsque le théâtre se confond aux 24 images par seconde ça donne Café Noir. Une œuvre singulière, « autre », qui tue ce même roi du statisme pour nous inviter à cette course effrénée de Jung Yumi lorsqu’elle nous ne convie pas à une danse avec elle. Café Noir c’est Bollywood. Café Noir c’est une espèce de patchwork improbable qui se moque un peu de nous avec l’accumulation des références. C’est lourd. Café Noir réjouit. C’est un amour qu’elle nous donne même s’il est sale et moche. On ne saura pas le pourquoi de certains choix esthétiques : le noir et blanc ? Qu’importe, Café Noir se lâche dans les méandres des relations humaines d’un monde moderne sclérosé. Les corps déambulent comme des morts-vivants, tombent et se relèvent, déblatèrent, souffrent, vivent d’un espoir déjà consumé. Café Noir c’est la vie… et la mort aussi.
Café Noir est une expérience à part entière, qu’on n’aime ou pas. Ce n’est pas vraiment du « cinéma » à proprement parlé, plus un objet filmique de l’ordre de l’expérimentale. Du cinéma expérimental en somme où Jung Sung-il ne fait pas du cinéma dit « d’auteur » mais où il s’essaye à en faire comme exercice de style. Café Noir est à part. Il est à la fois fascinant mais aussi très énervant. Pour ma part, je le respecte et l’apprécie autant que je le vomis. Au-delà de tout ça, il y a une chose qui me semble indéniable, c'est que ce film a le mérite d'exister. On ne peut qu’apprécier la démarche bien que l’expérience s’avère parfois douloureuse. Jung Sung-il fait-il du Cinéma ? Rien n’est moins sûr. Il fait le sien en tout cas.

Mon café ? Je l’aime sucré et avec un nuage de lait, merci. Et vous ?

I.D.

13 commentaires:

David Tredler a dit…

Haha... Moi au contraire s'il y a bien une chose dont je suis sûr après avoir vu Café Noir, c'est que Jung Sung-il est un Cinéaste, avec un C majuscule. Le film est ce qu'il est, entre la puissance et la langueur, l'ennui et la fascination, mais c'est un vrai travail cinématographique, et pas un mec qui filme quelque chose de lambda impersonnel et oubliable.
Je sais pas s'il retournera derrière la caméra, mais si c'est le cas, je vais guetter àa avec curiosité ^_^

I.D. a dit…

Ah mais je ne dis pas le contraire. ^^ Il fait son Cinéma c'est clair et net. Je le précise bien d'ailleurs, en toute fin de billet.

Maintenant, j'attends qu'il transforme l'essai. On en discutait justement avec Diana à ce propos. On a vraiment envie de voir ce qu'il a dans le bide. Voir s'il confirme ou non.

Café Noir n'est pas inintéressant malheureusement on ne me fera pas croire qu'il a un univers propre. J'ai vu 3h20 d'un mec qui rend surtout des hommages à l'image même d'un Tarantino. Mais ce dernier insufflait une vibe nouvelle dans une œuvre comme Kill Bill. Ici... mouais. Si ce n'est de pousser tout à son paroxysme et là encore, c'est pas sûr parce que ceux dont il s'inspire ont déjà poussé loin les limites. Jung Sung-il ne donne finalement que dans la surenchère. Attention ! Y a des choses pas mal et sa démarche est même intéressante. Ce que j'écris est loin d'être une critique négative. J'avoue que dorénavant, je serais dans l'attente de voir ce qu'il peut donner d'autre.

Sans Congo a dit…

il est peut-être en one-off : une oeuvre, une vie, un destin.

je comprends ton agacement. En revanche, là où je ne suis vraiment pas d'accord avec toi, c'est au sujet des références. Je ne trouve vraiment pas qu'il abuse avec les citations et les emprunts, et certainement pas plus qu'un Godard !

I.D. a dit…

Non ! Il ne peut s'arrêter là. Il a encore beaucoup de chose à nous montrer. Quoi que deux longs métrages de 90 minutes plus un court tout en même temps, c'est déjà pas mal. ;)

> "et certainement pas plus qu'un Godard !"

Ah mais je n'ai jamais dit que Godard c'était forcément mieux, plus ou moins, égalité entre eux. Lorsque je parle d'un ersatz du mix improbable entre Jean-Luc Godard et un Manoel de Oliveira c'est que finalement il y a un peu de ces deux bonshommes certes mais qu'il fait aussi son truc bien à lui. Chose que je dis plus explicitement dans ma conclusion.

David Tredler a dit…

Je ne sais pas comme tu écrivais dans ta critique que Jung Sung-Il est un "non-cinéaste", j'en avais déduis que tu ne le considérais pas comme un cinéaste ;)
Merde, pour une fois, je suis d'accord avec Sans Congo sur un film du festoche ou quoi ? ^_^

I.D. a dit…

Oui en gros j'employais ce terme de "non-cinéaste" pour souligner le poids de ses influences, partant du principe que ce n'est pas parce que tu vas piocher ici et là que ça fait de toi un cinéaste. Un metteur en scène peut-être mais pas un cinéaste comme je l'entends. Avec du recul, j'aurai du y mettre des guillemets.

Ce que j'ai tenté de faire lorsqu'on me lis, c'est que plus j'avance dans mon billet et plus je suis conquis d'une certaine manière. Tout au long de mon texte, je voulais faire ressentir si tu veux, les différents sentiments par lesquels je suis passé et ce jusqu'à la fameuse conclusion que je souligne auprès de Sans Congo (pour répondre à son commentaire). Je trouve son boulot intéressant mais d'un autre côté j'ai ce quelque chose qui me tiraille et qui refuse de l'accepter. C'est vraiment particulier à expliquer, ça m'est déjà arrivée ce sentiment de tiraillement pour d'autres films bien que ça reste rare. Je sais pas. Peut-être que je reviendrais d'ici trois ans sur Café Noir et j'en parlerais tout autrement.

Sinon, je peux comprendre qu'on puisse avoir du mal à saisir où je vais à la lecture de ce billet (ainsi que d'autres, j'imagine), c'est pas tellement fait exprès mais presque. Ca dénote d'une certaine façon ma confusion de spectateur. C'est aussi le problème d'écrire rapidement (sans prendre le temps donc) et publier le premier jet, sans travailler cette pseudo-chronique plus profondément. J'avoue ne pas me donner le mal que se donne certain. Je fais mon truc à ma sauce sans me prendre la tête à vouloir rendre une "copie" parfaite avec des argumentaires en béton, de la rhétorique en veux-tu en voilà, etc... j'écris sur le moment présent, ici dans la confusion présente.

J'espère avoir répondu à tes interrogations vieux.

David Tredler a dit…

Oh mais tu sais je suis moi-même un adepte du jet plutôt que du billet travaillé pendant des semaines, donc je comprends tout à fait ^_^

Et puis je sais que tu t'es légèrement (haha) assoupi, alors... ;)

I.D. a dit…

Bon sang de bonsoir David ! Nous n'allons pas revenir à chaque fois sur cet assoupissement d'à peine un quart d'heure ! ^^ L'autre, il se la raconte parce qu'il a tenu le coup, non mais vous êtes incroyable monsieur ! C'est que ça se la raconte comme s'il avait réussi une espèce d'exploit. Attendez, on me susurre à l'oreillette que même Jung Sung-il se serait assoupi devant son propre film lors de la première... ;) Ok, c'était donc un exploit ! :)

Sans Congo a dit…

ID je voyais bien dans ton texte qu'au fond, en y réfléchissant, t'as assez aimé le film, au moins pour la réflexion et/ou agacement qu'il a provoqué en toi...

Et sinon DT, bah ouais, pour le coup, on est complètement d'accord ! Mais est-ce véritablement le premier ? T'as aussi aimé POssessed non ?

David Tredler a dit…

C'est vrai Sans Congo, j'ai trouvé Possessed sympa, avec de bons ptits coups de flips et une représentation horrifique de la religion qui me plaît. Finalement, c'est pas le seul film !

ID, mais évidemment que je vais pas te lâcher avec ton assoupissement, attend ça m'a trop fait marré pour ça ;) Surtout qu'il est évident que tu te rends pas compte du temps que t'as passé dans les vapes, et c'est encore plus fun comme ça. J'aime bien te charrier ;)

I.D. a dit…

S*laud de David ! ^^ Un jour je t'aurai, oh oui un jour je t'aurai...

Olrik a dit…

Curieux comme ton article me donne finalement envie de voir le film. J'entends bien tes réserves mais je sais pas, je flaire le film finalement susceptible de me plaire. Enfin faut voir, typiquement le genre de film où il faut avior la bonne disposition d'esprit pour apprécier. Là, après la déception de la défait de nos Bleus, c'est peut-être pas le meilleur moment.

I.D. a dit…

Un film pas facile d'accès tant dans sa forme que dans sa durée. Mais un film à voir c'est certain et que je conseille vivement. Ça change de ce que l'on peut voir d'habitude de la Corée du Sud. Il est clair qu'il faut avoir la bonne disposition d'esprit ! ;)

PS : La France n'est pas passée loin de l'exploit. Y aurait des choses à dire de leur parcours aussi. Sur le match les all blacks sont pas forcément les plus méritant. Sur l'ensemble de la compétition, c'est eux qui s'en sortent. Bref. On parle beaucoup de l'arbitrage, je sais pas. Je me fis pas à ce genre de chose, un jour où l'autre on en profitera. C'est comme au foot, voir l'Irlande pleurer la main de Titi et s'en sortir grâce à une main durant les qualif' de la Coupe d'Europe des Nations.

I.D., on parle de tout autour d'un café au lait sucré... ;)

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